À 5.000 km de Téhéran, dans ce cabinet près des Champs-Élysées, Chirinne Ardakani, avocate franco-iranienne, tient sur son ordinateur un décompte macabre : les exactions commises par le régime iranien. Depuis la mort de Mahsa Amini en septembre, une jeune kurde iranienne de 22 ans accusée d’avoir mal porté le voile obligatoire pour les femmes de la république islamique d’Iran, la révolte gronde et enflamme tout le pays, toutes les catégories sociales. Les gardiens de la révolution répondent à coups de mitrailleuses, Téhéran refuse de céder et les arrestations liées au port du voile continuent malgré l'annonce de l'abolition de la police des mœurs. Selon selon Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, plus de 500 personnes ont été "tuées dans la répression des manifestants en Iran".
"On n'arrive pas humainement à tout recenser"
Alors pour que les crimes commis durant cette répression soient un jour punis, un collectif de juristes recense les exactions commises par le régime. Parmi eux, Chirinne Ardakani. "Quand on parle d’exactions, la première qui me vient à l’esprit, ce sont les tirs à balles réelles sur les manifestants. Des pratiques qui consistent à torturer…", détaille-t-elle au micro d'Europe 1. Pour l'heure, elle a répertorié 174 "faits". Les photos et vidéos viennent des réseaux sociaux et des médias. Chaque document est sourcé, recoupé, puis répertorié notamment par son confrère Hirbod Deghani-Azar. "Vous avez la date de l'événement, le lieu de l'événement, la nature de l’exaction, le nom de la victime si elle est identifiée."
"En réalité, on est dépassé. Le compteur explose et on n'arrive pas humainement à tout recenser", lâche Chirinne Ardakani.
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"Ce n'est pas une révolte, c’est le début de la fin"
Sur le mur, on voit un dessin : Marianne, bonnet phrygien et écharpe aux couleurs de l’Iran se coupe les cheveux. L’objectif des 13 juristes du collectif est clair : obtenir des condamnations "même si on a tout à fait conscience de la difficulté que ça peut être de voir ces recours aboutir. L’intérêt, c'est aussi de dire que ça pourrait potentiellement servir à d’autres, dans le cadre d’un Iran démocratique", affirme la juriste.
"C'est une révolution pour moi. En fait, ce n'est pas une révolte, c’est le début de la fin. C’est une question de temps", affirme de son côté un avocat iranien réfugié en France, dont la maison en Iran vient d'être taguée et criblée de balles. Une menace de la république islamique, selon ce dernier, face au travail qu'il mène à Paris.