Deux jours après une attaque iranienne sur son territoire, le Pakistan a annoncé ce jeudi avoir mené dans la nuit des "frappes contre des caches terroristes" en Iran, qui ont fait neuf morts selon la télévision publique iranienne. Le Pakistan, seul pays musulman doté de l'arme nucléaire, et l'Iran sont tous les deux confrontés depuis des décennies à des insurrections larvées, le long de leur frontière commune.
Contexte de vives tensions régionales
Ces attaques réciproques surviennent au moment où le Proche-Orient est secoué par la guerre qui oppose le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël dans la bande de Gaza et les attaques des rebelles Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, contre des navires de commerce en mer Rouge. "Ce matin, le Pakistan a mené une série de frappes de précisions, hautement coordonnées et spécifiquement ciblées, contre des caches terroristes dans la province du Sistan-Balouchistan", dans le Sud-Est de l'Iran, a annoncé dans un communiqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
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"La mesure (…) a été prise au vu de renseignements crédibles sur d'imminentes activités terroristes à une large échelle", a-t-il justifié, affirmant qu'un "certain nombre de terroristes" avaient été tués. La télévision publique iranienne a rapporté que trois femmes et quatre enfants avaient été tués dans un village proche de la localité de Saravan, au Sistan-Baloutchistan. Les médias d'État iraniens ont cité un "responsable informé" disant que l'Iran demandait "une explication immédiate aux autorités pakistanaises".
Iran et Pakistan s'accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d'opérer à partir de leurs territoires respectifs pour lancer des attaques, mais il est rare que les forces de l'un ou l'autre de ces pays soient impliquées.
"Intérêt national"
"Le Pakistan respecte complètement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République islamique d'Iran", a assuré le ministère pakistanais des Affaires étrangères. "Le seul objectif de l'action d'aujourd'hui (jeudi) était d'œuvrer à la sécurité du Pakistan et à notre intérêt national, qui sont primordiaux et ne peuvent pas être compromis", a-t-il ajouté. La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec Islamabad et Téhéran, s'est dite jeudi prête "à jouer un rôle constructif pour apaiser la situation".
Téhéran avait mené mardi soir une frappe aérienne contre des "cibles terroristes" au Pakistan. Islamabad avait jugé mercredi "totalement inacceptable" et injustifiée cette attaque, qui avait causé la mort de deux enfants. Selon des médias pakistanais, elle s'était produite près de Panjgur, dans le Sud-Ouest de la province du Baloutchistan (Ouest), où Pakistan et Iran partagent une frontière d'un millier de kilomètres.
Le Baloutchistan, province la plus grande, la moins peuplée et la plus pauvre du Pakistan, qui borde l'Iran et l'Afghanistan, est secoué par intermittence depuis des décennies par une rébellion séparatiste. La province est riche en hydrocarbures et en minerais, mais sa population se plaint d'être marginalisée et spoliée de ses ressources naturelles. En réponse, le Pakistan a rappelé son ambassadeur en Iran et décidé d'empêcher le retour de l'ambassadeur iranien, qui est actuellement dans son pays.
"Par missile et drone"
Le Premier ministre par intérim du Pakistan, Anwar-ul-Haq Kakar, va abréger son déplacement au Forum de Davos (Suisse) "au vu des développements actuels", a annoncé jeudi en conférence de presse la porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, Mumtaz Zahra Baloch. L'attaque iranienne "par missile et par drone" avait visé le quartier général au Pakistan du groupe jihadiste Jaish al-Adl (Armée de la Justice en arabe), en réponse à une "agression contre la sécurité" de l'Iran, selon l'agence de presse iranienne Mehr.
Jaish al-Adl, formé en 2012, a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années. Le groupe est considéré comme une "organisation terroriste" par les États-Unis. En décembre, Jaish-al-Adl avait revendiqué l'attaque d'un commissariat de police de Rask au Sistan-Baloutchistan, dans laquelle 11 agents de police iraniens avaient été tués. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, avait insisté mercredi sur le fait que "Jaish al-Adl est un groupe terroriste qui agit contre la sécurité commune des deux pays".
Mardi, l'Iran avait aussi procédé à des tirs de missiles sur ce qu'il a qualifié de quartiers généraux d'"espions" et de cibles "terroristes" en Syrie et au Kurdistan irakien autonome. Les États-Unis ont condamné ces frappes iraniennes, le porte-parole du département d'État, Matthew Miller, dénonçant le fait que Téhéran ait "violé les frontières souveraines de ses voisins au cours des derniers jours".