Le scénario de la mort de Ben Laden en question. Aux pays des scénarios hollywoodiens, la Maison Blanche et la CIA ont-elles réécrit l'histoire de la mort de Ben Laden ? C'est ce qu'affirme le journaliste d'investigation chevronné Seymour Hersh, dans un livre publié par la très sérieuse London Review of Books (en anglais). Et si l'histoire officielle campe un décor héroïque, où les Navy Seals auraient essuyé le feu des hommes de main de l'ancien chef d'Al-Qaïda, la version défendue par Seymour Hersh est beaucoup moins guerrière. "La Maison Blanche affirme que la mission a été menée de bout en bout par les services américains, que l'Etat-major et les renseignements pakistanais n'étaient pas informés du raid organisé. Tout cela est faux (…) l'histoire écrite par Washington pourrait être l'œuvre de Lewis Carroll", ironise le journaliste.
>> La version officielle de Washington avait été adaptée au cinéma dans le film Zero Dark Thirty
Ils tuent un homme "faible et sans armes". Selon lui, le gouvernement pakistanais aurait accepté de vendre Oussama Ben Laden aux Etats-Unis en 2010, en échange d'une hausse de l'aide militaire de Washington et d'une plus grande liberté d'action dans la région, notamment en Afghanistan. Les forces spéciales américaines auraient donc été escortées par un agent pakistanais jusqu'à la chambre d'Oussama Ben Laden, avant de le cribler de balles puis de larguer son corps au dessus des montagnes de l'Hindou Kouch (chaîne située à la frontière afghano-pakistanaise). Les Navy Seals seraient donc entrés "tranquillement" chez Ben Laden avant de tuer "un homme âgé, faible et sans armes", est-il écrit.
Il vend la mèche pour 25 millions de dollars. Toujours d'après le prix Pulitzer 1970, l'ISI, les services de renseignement pakistanais, détenait depuis 2006 Oussama Ben Laden sans le livrer à la justice américaine. Et pour cause, l'Arabie Saoudite versait de fortes sommes pour qu'il reste en vie. Ce marché secret aurait été éventé par un ancien haut gradé de l'ISI, qui aurait vendu la mèche aux Etats-Unis pour 25 millions de dollars, soit 22,4 millions d'euros. Pour démonter la thèse soutenue par la Maison Blanche, Seymour Hersh s'appuie sur les témoignages d'une source anonyme et d'Asad Durrani, ex-directeur de l'ISI entre 1990 et 1992.
Vérité éclatante ou théorie du complot fumeuse? En réponse, Washington nie des accusations "sans fondements", comme le rapporte CNN, tandis que plusieurs observateurs estiment que Seymour Hersh développe un goût trop prononcé pour les théories du complot. L'une de ses dernières accusations envers Obama, à qui il reprochait de mentir sur l'usage des armes chimiques par Damas, lui a causé du tort. Dans cette enquête non plus, Obama n'est pas épargné. Seymour Hersh l'accuse, lui et son administration, d'avoir exagéré à dessein la menace Al-Qaïda pour faire de la mort de Ben Laden "un point d'orgue" de ses deux mandats. Sans pour autant le discréditer particulièrement : selon lui, l'actuel président des Etats-Unis n'a fait que perpétrer le "modus operandi américain en matière de politique étrangère : mensonge de haut-niveau, attaques de drones, raids de nuit des forces spéciales…"