L'armée soudanaise a promis jeudi une "déclaration importante bientôt", déclenchant de nouvelles scènes de liesse devant le quartier général des militaires à Khartoum, où des milliers de manifestants réclament depuis des jours le départ du président Omar el-Béchir. La TV nationale a interrompu tôt jeudi ses programmes pour diffuser en boucle des chants patriotiques et militaires. "Importante annonce des forces armées sous peu", pouvait-on lire sur un bandeau figé en bas de l'écran.
Les contestataires annoncent la chute du régime. "Le régime est tombé, le régime est tombé!", scandent pour leur part les milliers de manifestants qui campent devant le QG des forces militaires et brandissent des drapeaux soudanais. L'une des principales meneuses de la contestation, Alaa Salah, une activiste de 22 ans, a assuré sur Twitter qu'Omar el-Béchir avait quitté le pouvoir.
AL-BASHIR IS OUT !! WE DID IT !!! #Sudan
— Alaa Salah (@iAlaaSalah) April 11, 2019
L'actuel ministre de la Défense et son prédécesseur à ce poste auraient été arrêtés, selon un reporter soudanais, ce qui pourrait expliquer que la déclaration tant attendue tarde à intervenir. Les frères d'Omar el-Béchir auraient également été arrêtés.
Reported arrests of al-Bashir's brothers and his assistant former oil minister Awad al-Jaz #Sudan
— Isma'il Kushkush (@ikushkush) April 11, 2019
Les habitants de la capitale soudanaise sont appelés à rejoindre massivement la foule réunie pour le sixième jour consécutif devant le siège de l'armée, qui abrite aussi le ministère de la Défense et la résidence officielle du président Béchir, ont fait savoir les organisateurs des manifestations. De nombreuses personnes se dirigent vers le QG en voitures, bus et vans, sur fond de klaxons. Des femmes rassemblées devant ce site lancent des youyous et scandent des slogans anti-Béchir. L'armée est déployée dans de nombreuses rues de la capitale, ainsi que des membres du groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide.
Trois décennies au pouvoir. Des milliers de Soudanais réclament invariablement la démission du président Béchir, 75 ans, au pouvoir depuis trois décennies, et demandent à l'armée de rejoindre leur mouvement. La foule déterminée avait défié toute la journée de mercredi le régime devant ce siège de l'armée, dont les intentions, tout comme celles de la police, restent à confirmer. "Nous attendons de grandes nouvelles. Nous ne partirons pas d'ici tant que nous saurons pas ce que c'est", a indiqué un manifestant devant le QG de l'armée. "Mais nous savons que Béchir doit partir. Nous en avons assez de ce régime", a-t-il poursuivi.
Plusieurs véhicules militaires transportant des troupes sont entrés dans le complexe qui abrite le QG de l'armée dans les premières heures de jeudi. Des soldats soudanais ont mené dans le même temps un raid dans les locaux d'un groupe lié au Parti du Congrès National (NCP) d'Omar el-Béchir, ont rapporté des témoins. Mercredi soir, le parti avait reporté sine die un rassemblement de soutien au chef de l'Etat prévu jeudi à Khartoum.
Près de 50 morts depuis décembre. Depuis samedi, les manifestants ont essuyé à plusieurs reprises les assauts du puissant service de renseignement NISS, qui a tenté en vain de les disperser à coups de gaz lacrymogène, selon les organisateurs du rassemblement. Mardi, 11 personnes dont six membres des forces de sécurité ont été tuées lors de manifestations à Khartoum, a rapporté mercredi le porte-parole du gouvernement Hassan Ismail, sans préciser les circonstances de leur mort, d'après l'agence officielle Suna. En tout, 49 personnes sont mortes dans des violences liées aux manifestations depuis que ces rassemblements ont commencé en décembre.