Le "terrorisme nucléaire", une menace bien réelle

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avec AFP
Des failles demeurent dans la sécurité des installations nucléaires dans le monde.

Barack Obama réunit jeudi et vendredi à Washington le quatrième sommet international sur la sécurité nucléaire. L’objectif de la rencontre : prévenir l'accès de terroristes à des matériaux ou des installations nucléaires. Une menace belle est bien réelle, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Quels sont les sites qui pourraient être visés ? Les centrales nucléaires sont évidemment dans le viseur des groupes terroristes. Il existe aujourd’hui, dans le monde, 1.000 installations nucléaires. Outre ces centrales, tout site industriel susceptible de faire des dégâts est potentiellement une cible. Cela va des centrales nucléaires aux sites de stockage de carburant ou de produits chimiques.

Le grand nombre de sites sensibles et la prolifération des matériaux nucléaires inquiètent le patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano. Il a estimé qu’une menace d’attaque terroriste nucléaire pouvait de moins en moins être exclue, appelant les Etats membres à manifester un intérêt accru afin de renforcer la sécurité nucléaire.

A quel type d’attaques se prépare-t-on ? Si une attaque visant directement une centrale n’est pas exclue, les autorités de sûreté redoutent surtout le vol de matériaux radioactifs. En une vingtaine d'années, l’AIEA a recensé près de 2.800 cas de trafic, de détention illicite ou de "perte" de telles substances, dont un incident en Irak l'an passé. Et "il est très possible que ce ne soit que la partie émergée de l'iceberg", note un responsable.

En effet, l'équivalent d'un pamplemousse de plutonium suffirait à un groupe terroriste pour confectionner une bombe atomique "rudimentaire". Et ce scénario n'est "pas impossible", juge le patron de l’AIEA. "C'est désormais une technologie ancienne et de nos jours, les terroristes ont les moyens, les connaissances et les informations" pour réaliser une telle bombe, estime-t-il.

Au total, il existe dans le monde suffisamment de plutonium et d'uranium enrichi pour fabriquer l'équivalent de 20.000 bombes d'Hiroshima, selon le Panel international sur les matériaux fissiles. Une organisation comme le groupe Etat islamique pourrait donc aisément confectionner une "bombe sale", qui répandrait des substances radioactives au moyen d'un explosif classique, s'alarme l'AIEA.

Y-a-t-il déjà eu des tentatives d’attaques ? On sait que des centrales nucléaires françaises ont déjà été survolées à plusieurs reprises par des drones non identifiés ces derniers mois. Par ailleurs, la police belge a mis la main en décembre, dans le cadre de perquisitions effectuées à la suite des attentats de Paris, sur une dizaine d'heures d'enregistrements vidéo ciblant un haut responsable de l'industrie nucléaire belge.

Les Etats prennent-ils suffisamment en compte ma menace ? Non, à en croire le chef de l'autorité nucléaire des Nations unies, pour qui "le plus gros problème provient des pays qui ne reconnaissent pas le danger que représente le terrorisme nucléaire".

En 2014, 35 pays ont pris des engagements, mais des poids-lourds comme la Chine, l'Inde et le Pakistan n'ont pas participé à cet effort. "Il serait vraiment important que ces pays participent", estime, pour sa part, Sharon Squassoni, spécialiste en prolifération au Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS).

Un amendement à la Convention sur la protection physique des matières et des installations nucléaires, qui seul obligerait légalement les Etats à protéger ces matières dangereuses, n'a toujours pas pu entrer en vigueur onze ans après sa signature, faute d'un nombre suffisant de ratifications.