Législatives au Japon : le parti au pouvoir perd sa majorité, sa coalition en suspens

Shigeru Ishiba, le Premier ministre japonais, a perdu la majorité qu'il avait à la chambre basse du Parlement après ce scrutin anticipé qu'il avait convoqué.
Shigeru Ishiba, le Premier ministre japonais, a perdu la majorité qu'il avait à la chambre basse du Parlement après ce scrutin anticipé qu'il avait convoqué. © Masamine Kawaguchi / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP
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avec AFP // Crédit photo : Masamine Kawaguchi / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP
Le PLD, le parti au pouvoir au Japon, a perdu sa majorité à la chambre basse du Parlement selon les premières projections des médias japonais. Le parti du Premier ministre Shigeru Ishiba pourrait avoir obtenu entre 153 et 219 sièges, bien loin des 233 sièges nécessaires pour avoir la majorité absolue. 

Le parti au pouvoir au Japon a perdu sa majorité à la chambre basse du Parlement lors de législatives dimanche, pour la première fois depuis 2009 selon des projections, un échec cuisant pour le nouveau Premier ministre japonais Shigeru Ishiba qui a convoqué ce scrutin anticipé. À l'issue d'une campagne où il a pâti d'une forte inflation au Japon et des retombées d'un scandale financier, le Parti libéral-démocrate (PLD) pourrait avoir obtenu entre 153 et 219 sièges, selon de premières projections de la chaîne de télévision publique NHK. Bien en deçà de la majorité absolue de 233 sièges sur 465.

"Nous avons été sévèrement jugés"

Un tel résultat serait quasi-inédit dans l'histoire du PLD, qui a réussi à se maintenir au pouvoir presque sans interruption depuis 1955 --et une sévère défaite pour Shigeru Ishiba, 67 ans, devenu Premier ministre le 1er octobre après avoir pris la tête du parti. Il avait lui-même convoqué ces élections anticipées, espérant bénéficier d'un état de grâce pour consolider son pouvoir. "Nous avons été sévèrement jugés", a déclaré Shigeru Ishiba à la NHK. Les électeurs "ont nettement exprimé leur volonté de voir le PLD réfléchir (aux causes de sa défaite) et devenir un parti agissant en ligne avec la volonté du peuple", a-t-il ajouté.

Trois heures après la fermeture des bureaux de vote, les estimations de la NHK basées sur des sondages sortie des urnes ne déterminaient toujours pas si la coalition gouvernementale que forment le PLD et son allié le Komeito (centre droit) avait pu conserver la majorité absolue. Des projections diffusées par les quotidiens nippons Asahi et Yomiuri suggéraient cependant que la coalition avait probablement échoué à la conserver. Or, faute de majorité absolue avec son partenaire de coalition, le PLD devrait chercher d'autres alliés ou former un précaire gouvernement minoritaire --l'opposition restant a priori trop fragmentée pour proposer une alternance.

Selon son ampleur, ce revers électoral pourrait affoler les marchés financiers, peu habitués à ce cas de figure, avertissent des analystes.

 

Le PLD englué dans un scandale financier

Le PLD peine à tourner la page d'un scandale de "caisses noires", qui avait déjà contribué à l'impopularité du précédent Premier ministre, Fumio Kishida. Shigeru Ishiba avait assuré samedi lors d'un meeting à Tokyo que son parti voulait "repartir sur de nouvelles bases en tant que parti équitable, juste et sincère". Le dirigeant a promis aux électeurs "un nouveau Japon", espérant appliquer son programme de renforcement de la défense, de soutien accru aux ménages à faibles revenus et de revitalisation des campagnes japonaises.

Mais alors que Shigeru Ishiba s'était engagé à ne pas soutenir la campagne des membres incriminés dans le scandale, le quotidien Asahi a rapporté que le PLD avait versé 20 millions de yens (122.000 euros) aux sections locales dirigées par ces responsables. De quoi provoquer la fureur de l'opposition et la colère des électeurs, alors même que l'envolée persistante des prix, qui érode le pouvoir d'achat, alimente leur frustration. Shigeru Ishiba est également critiqué pour avoir fait marche arrière sur plusieurs sujets depuis son élection, comme la possibilité pour un couple marié de ne pas porter le même nom de famille, ou une plus forte taxation des plus-values.

Si Shigeru Ishiba quittait son poste suite à la défaite électorale, il deviendrait alors le Premier ministre resté le moins longtemps aux affaires dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il était dimanche au 26e jour de son mandat. Interrogé par la NHK sur son avenir, Shigeru Ishiba a refusé dimanche de se prononcer.

 

"Une majorité de Japonais font confiance à M. Noda"

Shigeru Ishiba avait longtemps été un outsider au sein du PLD, n'hésitant pas à critiquer ses dirigeants et les dynasties politiques, ce qui lui assurait une certaine popularité --une image qui s'est rapidement écornée dans la campagne. Le Parti démocratique constitutionnel (PDC), principale force d'opposition parlementaire, a nettement renforcé sa présence au Parlement selon la NHK. Son dirigeant, l'ancien Premier ministre Yoshihiko Noda, a critiqué samedi "la politique du PLD consistant à mettre en oeuvre rapidement des mesures pour ceux qui leur donnent beaucoup d'argent".

"Une majorité de Japonais font confiance à M. Noda", "fondamentalement un conservateur très pragmatique" dont le positionnement "n'est pas si différent de celui du PLD", souligne Masato Kamikubo, professeur de sciences politiques à l'université Ritsumeikan. Mais une victoire du PDC est "difficile, car l'opposition est très divisée", tempère-t-il. Un total de 1.344 candidats étaient en lice dimanche, parmi lesquels 23,4% de femmes, un faible pourcentage qui marque néanmoins un record dans un pays marqué par de fortes inégalités de genre. La participation trente minutes avant la fermeture des bureaux de vote était de 31,52%.