Vladimir Poutine a annoncé jeudi que les acheteurs de gaz russe de pays "inamicaux" devront à partir de vendredi payer en roubles depuis des comptes en Russie sous peine d'être privés d'approvisionnements, mesure touchant surtout l'Union européenne. Le prix du gaz reste cependant libellé dans la devise des contrats en cours, soit le plus souvent en euros ou en dollars.
"Ils doivent ouvrir des comptes en roubles dans des banques russes. Et de ces comptes, ils devront payer le gaz livré, et cela, dès demain", a déclaré Vladimir Poutine à la télévision après avoir signé un décret en ce sens. Il a ajouté qu'en cas de refus, "les contrats en cours seront arrêtés". "Si ces paiements ne sont pas effectués, on considérera que ce sera une infraction aux obligations de la part de l'acheteur, et cela aura toutes les conséquences qui s'imposent", a insisté Vladimir Poutine.
Payer en roubles n'aurait "aucun impact" sur les prix, selon Poutine
Il a rappelé que cette mesure était une réponse au gel de quelque 300 milliards de dollars des réserves en devises dont la Russie disposait à l'étranger, une sanction décidée par les Occidentaux en représailles à l'offensive russe en Ukraine. Moscou a publié début mars une liste de pays "inamicaux" qui comprend notamment les États-Unis, les membres de l'Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Suisse, Taïwan, la Corée du Sud, la Norvège et l'Australie.
Les États de l'UE sont les principaux consommateurs de gaz russe. Vladimir Poutine a insisté sur le fait que le paiement en roubles n'aurait aucun effet sur les volumes ou les prix, alors que ceux-ci sont formulés dans la plupart des contrats en devises étrangères.
La décision de passer à une facturation en roubles doit permettre à la Russie de soutenir sa monnaie nationale, chahutée par les sanctions, mais la privera d'une source de devises. D'ores et déjà, la Russie oblige ses exportateurs, y compris Gazprom, à convertir 80% de leur chiffre d'affaires en roubles. Ces mesures et un taux d'intérêt directeur à 20% ont permis à la monnaie russe de se reprendre. Après avoir considérablement dévissé dans la foulée du début de l'offensive russe le 24 février, elle revient à des niveaux proches de ceux enregistrés avant l'assaut.
La France et l'Allemagne anticipent un arrêt potentiel des livraisons de gaz russe
L'Allemagne et la France se "préparent" à un potentiel arrêt des importations de gaz russe, ont indiqué jeudi les gouvernements des deux pays, qui ont également réitéré leur opposition à tout paiement en roubles des livraisons.
"Il peut y avoir une situation dans laquelle demain (...) il n'y aura plus de gaz russe", et "c'est à nous de préparer ces scénarios-là, et nous les préparons", a déclaré le ministre français de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse avec le ministre allemand de l'Économie, Robert Habeck.
Scholz assure que l'Europe continuera à payer le gaz russe en euros ou dollars
Berlin et Paris ont dans le même temps réitéré leur refus de payer en roubles les livraisons de gaz russe, comme demandé par Vladimir Poutine. "Il est écrit dans les contrats que les paiements se font en euros et parfois en dollars", a expliqué le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une conférence de presse distincte aussi organisée jeudi à Berlin.
"J'ai dit clairement au président russe que cela restera ainsi" et "les entreprises veulent pouvoir payer en euros et le feront", a-t-il ajouté. "Les contrats prévoient une monnaie dans laquelle ils sont exécutés et donc les contrats doivent être exécutés dans la monnaie prévue", a martelé de son côté Bruno Le Maire.
Avant la guerre, l'Union Européenne importait 40% de son gaz depuis la Russie. L'Allemagne était particulièrement dépendante, avec une proportion de 55%.
L'État français veut réduire la consommation des entreprises qui consomment le plus
Si la Russie décidait de couper son gaz dès aujourd'hui, cela n'aurait aucune conséquence dans l'immédiat. Le risque, il est surtout pour l'hiver prochain parce qu'il fera froid. Nous aurons donc besoin de beaucoup plus de gaz pour ceux qui en consomme, mais aussi pour produire de l'électricité parce qu'on en produit avec du nucléaire. Cependant, nous avons 15 réacteurs à l'arrêt. Nous pouvons en produire avec du renouvelable, du renouvelable, mais aussi avec du gaz. Et si on en manque, on risque le black out.
C'est pour ça que le gouvernement prépare actuellement un plan pour réduire la consommation des entreprises les plus énergivores. Mais les consommateurs seront aussi contraints de faire des efforts.