Téhéran, Bagdad, Beyrouth... Un peu partout dans le monde arabe, des voix s'élèvent pour dénoncer et condamner l’exécution samedi d'un important dignitaire chiite, et de 46 autres personnes en Arabie saoudite. Les condamnés - 45 Saoudiens, un Égyptien, un Tchadien - ont été exécutés au sabre ou par balles dans douze villes du royaume, a précisé le ministère de l'Intérieur.
Regain de tension avec l'Iran. Grande figure chiite dans le monde arabe, le cheikh Nimr Baqer al-Nimr a notamment été la figure de proue d'un mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée des printemps arabes, dans l'est de l'Arabie saoudite où vit l'essentiel de la minorité chiite. Dans la journée de samedi, le Conseil suprême islamique chiite du Liban a condamné samedi l'exécution du cheikh chiite saoudien Nimr al Nimr affirmant qu'elle constituait " la mise à mort de la raison, de la modération et du dialogue", selon le cheikh Abdel Amir Kabalan, vice-président du conseil, dans un communiqué. Toujours au Liban, le Hezbollah chiite libanais a pour sa part condamné "un crime haineux (perpétré) sur la base de fausses allégations, de lois corrompues et d'une logique pervertie qui n'a rien à voir avec la justice", selon un communiqué du mouvement.
Samedi soir, l'Arabie saoudite a convoqué l'ambassadeur d'Iran pour protester contre les déclarations de Téhéran jugées "agressives" alors que dans le même temps, Washington déclarait que cette exécution risquait d'"exacerber les tensions communautaires à un moment où il est urgent de les apaiser. (...) Les Etats-Unis exhortent le gouvernement d'Arabie saoudite à permettre que s'exprime pacifiquement la contestation", a indiqué dans un communiqué signé John Kirby, porte-parole de la diplomatie américaine.
Par ailleurs, dans la nuit de samedi à dimanche, l'ambassade de l'Arabie Saoudite à Téhéran a été attaquée par des manifestants en colère, selon l'agence Isna. Des manifestants ont lancé des cocktails Molotov contre l'ambassade et ont pu pénétrer à l'intérieur de l'enceinte diplomatique avant d'en être évacués par la police.
Des manifestations spontanées à Bahreïn. Des dizaines de personnes ont manifesté à Bahreïn samedi après l'annonce de l'exécution de ce cheikh chiite et la police locale a procédé à des tirs de gaz lacrymogène pour disperser les protestataires, rapporte un témoin. Les manifestants, brandissant des portraits du cheikh Nimr al Nimr (photo), se sont opposés aux forces de l'ordre dans le village chiite d'Abou Saïba à l'ouest de la capitale Manama. Des appels ont été lancés en faveur d'autres manifestations dans cet émirat dirigé par les sunnites.
"Exécuter tous les terroristes saoudiens emprisonnés en Irak". L'exécution d'un imam chiite par les autorités saoudiennes vise à alimenter la querelle entre les chiites et les sunnites au Moyen-Orient et est de nature "à embraser la région", a estimé un parlementaire irakien, membre de la coalition au pouvoir à Bagdad, dans une déclaration à la chaîne de télévision Al Soumaria. "Cette mesure prise par la famille régnante (en Arabie saoudite) vise à embraser à nouveau la région, à provoquer des affrontements entre sunnites et chiites", a déclaré Mohammed al Sayhoud, selon le site internet de la chaîne.
De son côté, Khalaf Abdelsamad, chef du bloc parlementaire du parti chiite irakien Dawa, a exhorté le gouvernement à "fermer l'ambassade saoudienne en Irak, expulser l'ambassadeur et exécuter tous les terroristes saoudiens emprisonnés en Irak", en guise de réponse, selon un communiqué de son cabinet. L'ambassade saoudienne à Bagdad a rouvert le 15 décembre dernier, 25 ans après la suspension des relations entre les deux pays à la suite de l'invasion du Koweït.
La Syrie condamne les exécutions. Le ministre syrien de l'Information, Omran al Zoubi, a condamné samedi l'ensemble des exécutions en Arabie saoudite, dénonçant "un crime commis par un Etat contre son propre peuple". Les institutions internationales doivent demander des comptes à l'Arabie saoudite à la suite de ces exécutions, a-t-il ajouté.
Il s'agit des premières exécutions de l'année 2016 dans ce royaume ultra-conservateur qui avait mis à mort 153 personnes l'année dernière, selon un décompte basé sur des chiffres officiels.