Les Libyens commémorent ce mercredi 17 février le dixième anniversaire de la révolution qui a précipité la chute de Mouammar Kadhafi. Depuis, la Libye vit fracturée entre est et ouest, au rythme des convulsions militaires. Les anciens rebelles ont du mal à déposer les armes et le pays alterne entre offensives et cessez-le-feu. Europe 1 a rencontré cette jeunesse combattante qui s’est soulevée contre le pouvoir de Kadhafi il y a dix ans.
"C'est tout ce pour quoi on s'est battu"
"Voir des gens libres comme ça, c'est tout ce pour quoi on s'est battus", sourit Husam Najjar en observant la Place des martyrs. Dans les rues de Tripoli, des adolescents jouent au foot près de la Forteresse ocre, un père négocie un tour de poney pour son fils dans la bonne humeur. Le cœur de Tripoli s'appelait encore Place verte lorsque Husam Najjar, alors rebelle, et sa brigade s'en sont emparés après des jours de combat contre les troupes de Mouammar Kadhafi. "Quand nous sommes arrivés à l'entrée de la place, je me suis dit, on est arrivés à Tripoli", raconte-t-il.
Un souvenir qui reste vivace, une décennie après. "Je n'avais plus beaucoup de concentration pour me battre et même si j'étais épuisé à l'intérieur, j'exultais comme un volcan. Quand la Place des martyrs est tombée, on savait que la fin de Kadhafi était proche. Entrer sur cette place il y a dix ans est probablement le plus intense et le plus beau de mes souvenirs", confie-t-il. Pour autant, la situation est loin d'être stable. "Depuis dix ans, nous sortons nos fusils du placard régulièrement", relate Husam.
"Chacun voudrait se marier et avoir des enfants, des perspectives"
Après la révolution, la Libye a connu les offensives contre l'Etat islamique mais aussi la guerre civile. L'économie est dévastée et le pays est coupé en deux. Dans un baraquement, sur le front qui marque la séparation entre est et ouest, Ahmed Ali fait cuire le déjeuner pour son unité. Il a 36 ans et ne cache pas sa lassitude. "On n'a même pas eu la chance de se marier en dix ans. Ici, chacun voudrait se marier et avoir des enfants, des perspectives, mais personne ne l'est. Chaque année ou année et demie, une nouvelle guerre commence", déplore-t-il.
"Je n'ai pas envie d'imposer à ma femme de vivre avec moi dans ma maison et de me retrouver à partir sur le front à Tripoli ou je ne sais où en la laissant seule. C'est juste pas possible", continue-t-il. "Moi, je veux partir étudier à l'étranger pour obtenir une maitrise ou un doctorat et revenir au pays avec une meilleure éducation qui profite au pays et au monde en général", explique Ahmed Ali. Avant de s'engager dans la rébellion, il venait d'obtenir son premier diplôme d'ingénieur. Mais aujourd'hui, selon lui, il n'y a presque que les armes qui garantissent un salaire.