Secouristes et volontaires s'activent vendredi à la recherche de milliers de personnes portées disparues à Derna, après des inondations rappelant un tsunami qui ont dévasté la ville côtière de l'est de la Libye. Parlant d'une situation "catastrophique", le Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha) a lancé un premier appel de fonds de plus de 71 millions de dollars pour venir en aide immédiatement aux quelque 250.000 personnes les plus touchées par les inondations, provoquées par la tempête Daniel.
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Une aide d'urgence
Après la destruction de nombreuses routes, "la municipalité (de Derna) exhorte les autorités à mettre en place un couloir maritime pour l'aide d'urgence et les évacuations", a indiqué l'Ocha, estimant à quelque 884.000 le nombre de personnes affectées directement par la catastrophe. Le déferlement d'eau dans la nuit de dimanche à lundi, provoqué par la tempête Daniel, a rompu deux barrages en amont, provoquant une crue violente de l'oued qui traverse la ville et des flots de plusieurs mètres de haut, selon des témoins.
Selon un photographe de l'AFP sur place, le centre-ville de Derna ressemble désormais à un terrain aplati par un rouleau compresseur. Les arbres ont été déracinés, les immeubles et les ponts détruits. Les dégâts sont considérables et les autorités craignent un bilan humain très lourd dans la ville qui comptait 100.000 habitants avant la catastrophe. Des ministres du gouvernement de l'est de Libye avancent différents bilans, mais dépassant les 2.600 morts. La Libye est plongée dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, avec deux gouvernements rivaux, l'un reconnu par l'ONU, basée dans la capitale Tripoli, à l'ouest, l'autre dans la région orientale, touchée par les inondations.
Emportés par les flots
Des habitants racontent que des centaines de corps gisent encore sous les tonnes de boue et de décombres. "L'eau était chargée de boue, d'arbres, de morceaux de fer, les flots ont parcouru des kilomètres avant d'envahir le centre de la ville et emporter ou ensevelir tout ce qui se trouvait sur leur chemin", a déclaré à l'AFP Abdelaziz Bousmya, 29 ans, qui vit dans le quartier de Chiha, épargné par les inondations.
"J'ai perdu des amis, des proches. Ils sont soit ensevelis sous la boue, soit ont été emportés par les flots vers la mer", a-t-il ajouté, la voix étranglée par l'émotion. Selon lui, les autorités libyennes n'ont pas pris les mesures nécessaires pour se prémunir de la catastrophe, se contentant d'ordonner aux habitants de rester chez eux en prévision de la tempête Daniel, qui s'était abattu sur la Turquie, la Bulgarie et la Grèce avant d'atteindre le pays d'Afrique du Nord dimanche. Depuis, des dizaines de corps sont découverts chaque jour et enterrés parfois dans des fosses communes. De nombreuses personnes ont été emportées vers la mer qui a rejeté des dizaines de cadavres, faisant craindre des épidémies liées à leur décomposition, selon les autorités sanitaires. Le nombre de sacs mortuaires distribués dans la ville illustre l'étendue du drame. Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué à lui seul en avoir fourni 6.000.
Sans nourriture et sans abri
Mercredi, le patron de l'Ocha, Martin Griffiths, avait débloqué dix millions de dollars d'un fonds d'urgence en faveur des victimes, disant que l'ONU avait déployé sur le terrain "une équipe solide pour soutenir et financer la réponse internationale". De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir commencé à fournir une aide alimentaire à plus de 5.000 familles déplacées par les inondations, précisant que des milliers d'autres à Derna sont "sans nourriture ni abri". L'ONU, les États-Unis, l'Union européenne et de nombreux pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ont promis d'envoyer de l'aide. Des équipes de secours étrangères sont déjà à l'œuvre à la recherche d'éventuels survivants. La plupart des morts à Derna "auraient pu être évitées", a estimé jeudi Petteri Taalas, patron de l'Organisation météorologique mondiale qui dépend de l'ONU. Les années de conflit en Libye ont "en grande partie détruit le réseau d'observation météorologique", tout comme les systèmes informatiques, a-t-il déclaré à Genève.