L'Inde a annoncé avoir mené mardi une "frappe préventive" qui a tué un "très grand nombre" de membres d'un groupe islamiste basé au Pakistan, Islamabad dénonçant une "violation" de la frontière de facto dans la région disputée du Cachemire. Le Pakistan rejette des affirmations "fictives" et "répondra à l'agression".
Un risque d'escalade. Les tensions sont très vives entre les deux frères ennemis d'Asie du Sud depuis l'attentat suicide au Cachemire indien qui a tué au moins 40 paramilitaires indiens le 14 février et été revendiqué par le groupe islamiste insurgé Jaish-e-Mohammed (JeM), basé au Pakistan.
La communauté internationale redoute une escalade entre les deux voisins et rivaux, tous deux dotés de l'arme nucléaire et qui se sont livrés plusieurs guerres dans le passé, notamment au sujet de la région poudrière du Cachemire que tous deux revendiquent. La Chine a appelé mardi les deux capitales à "la retenue".
Une frappe au Cachemire ou au Pakistan ? "Aux premières heures aujourd'hui, l'Inde a frappé le plus grand camp d'entraînement de Jaish-e-Mohammed à Balakot", a déclaré Vijay Gokhale, un haut responsable de la diplomatie indienne, lors d'une conférence de presse. Il existe deux Balakot au Pakistan : l'un situé à proximité immédiate de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire, l'autre plus loin en territoire pakistanais, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa (KPK). New Delhi n'a pas précisé lequel des deux lieux a été visé.
Une "frappe préventive nécessaire". "Dans cette opération, un très grand nombre de terroristes, de formateurs, de hauts commandants et de djihadistes entraînés aux attentats suicide de Jaish-e-Mohammed ont été éliminés", a dit Vijay Gokhale. Selon les autorités indiennes, le JeM, l'un des groupes armés les plus actifs contre New Delhi dans la rébellion séparatiste au Cachemire, préparait de nouveaux attentats suicide en Inde. "Au vu du danger immédiat, une frappe préventive est devenue absolument nécessaire", a dit Vijay Gokhale, qualifiant ce raid d'"action préventive non militaire" et "spécifiquement ciblé sur le camp de JeM".
New Delhi n'a pas donné officiellement de détails sur les modalités de cette frappe mais la presse locale rapportait qu'elle avait pris la forme d'un bombardement aérien mené par des avions de chasse Mirage 2000. Le Pakistan avait affirmé plus tôt avoir repoussé une brève incursion de l'armée de l'air indienne au-dessus du Cachemire.
Une "charge utile" larguée par des avions indiens, selon l'armée pakistanaise. "Confrontés à la réponse opportune et efficace de l'armée de l'air pakistanaise, [les avions indiens] ont largué en hâte une charge utile en s'enfuyant qui est tombée près de Balakot. Pas de victimes ni de dégâts", a indiqué sur Twitter le porte-parole de l'armée pakistanaise, le général Asif Ghafoor sur Twitter. On ignorait dans l'immédiat de quel type de charge il s'agissait ou leur nombre. Le général a par la suite publié des photos montrant selon lui l'impact de la charge et des morceaux de métal tordu dans un endroit boisé.
Payload of hastily escaping Indian aircrafts fell in open. pic.twitter.com/8drYtNGMsm
— Maj Gen Asif Ghafoor (@OfficialDGISPR) 26 février 2019
Un cessez-le-feu violé ? "L'Inde a commis une violation du cessez-le-feu et nous nous réservons le droit de répondre de façon adéquate", a dénoncé le ministre des Affaires étrangères pakistanais Shah Mehmood Qureshi. Le Pakistan a rejeté des "affirmations intéressées, imprudentes et fictives" de l'Inde, selon un communiqué des autorités à Islamabad. "L'Inde a commis une agression intempestive à laquelle le Pakistan répondra à l'heure et à l'endroit de son choix", selon ce communiqué publié à l'issue d'une réunion à laquelle participaient plusieurs ministres et de hauts représentants de l'armée pakistanaise.
L'Union européenne a appelé mardi l'Inde et le Pakistan à un "maximum de retenue pour éviter une escalade de la tension". "Nous restons en contact avec les deux pays et nous jugeons essentiel que tous deux fassent preuve d'un maximum de retenue et évitent toute nouvelle escalade des tensions", a déclaré Maja Kocijancic, porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini.
L'UE rappelle "l'importance de la coopération et du dialogue en matière de contre-terrorisme". "Je ne peux pas commenter l'existence ou la non-existence du camp", a déclaré la porte-parole de Federica Mogherini. "Ce qui est important, et c'est quelque chose que nous avons dit au cours du week-end, c'est l'importance de la coopération et du dialogue en matière de contre-terrorisme, et je pense que c'est toujours le cas", a-t-elle ajouté.
L'Inde accuse de longue date le Pakistan de soutenir en sous-main les infiltrations d'insurgés au Cachemire indien, ce qu'Islamabad a toujours démenti. En décrivant l'opération de mardi comme une "action préventive non militaire" visant seulement un groupe islamiste, et non l'État pakistanais, New Delhi cherche toutefois à limiter ses répercussions en laissant une porte ouverte, selon Samir Saran, président de l'Observer Research Foundation à New Delhi.