Bloquer une route pour protester contre l'inaction climatique ? Le gouvernement italien de Giorgia Meloni entend frapper fort contre les manifestants, même pacifiques, visant en particulier les militants écologistes qui risquent désormais la prison. La réforme est portée par la Ligue de Matteo Salvini, vice-chef du gouvernement en charge des transports et infrastructures, en croisade contre le "terrorisme climatique", chevalier blanc du moteur thermique et de l'atome. "C'est juillet, il fait chaud", répondait-il cet été alors que l'Italie subit de plein fouet le dérèglement des saisons et son lot de calamités - sécheresse, canicule, réchauffement de la mer, fonte des glaciers, inondations. Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, Giorgia Meloni, cheffe du parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI), a fait graver dans le marbre législatif d'importants marqueurs idéologiques de sa coalition de droite et d'extrême-droite.
Des réformes ont ainsi été votées contre les mineurs délinquants, les ONG de secours aux migrants en Méditerranée, les cliniques pratiquant l'avortement, le recours à la gestation pour autrui (GPA) ou encore pour réformer le statut des magistrats de sorte que, selon les critiques, l'indépendance du parquet s'en trouve affaiblie, un combat de longue date cher à la droite berlusconienne empêtrée dans les affaires. S'agissant de la loi sur les manifestations, l'exécutif vise spécifiquement les opposants à deux méga-projets auxquels tient Matteo Salvini: le TGV Turin-Lyon et le pont sur le détroit de Messine reliant la Sicile au continent.
"Les gens bien n'ont rien à craindre", a lancé M. Salvini en réponse aux détracteurs de la réforme. M. Salvini a aussi souvent dénoncé avec virulence les jeunes militants d'Ultima Generazione qui bloquent le périphérique romain pour réclamer la sortie des énergies fossiles. "Avec cette mesure, le gouvernement veut séduire la partie de la société qui continue à voter majoritairement pour les partis d'extrême-droite, c'est-à-dire les adultes et les personnes âgées, qui sont beaucoup moins sensibles aux questions des droits civils, de la crise du travail et du changement climatique", analyse Anna Bonalume, autrice d'un essai sur Matteo Salvini.
Le texte "Sécurité", déjà voté par les députés, est actuellement à l'examen au Sénat, où il devrait être définitivement adopté dans les jours qui viennent. Selon ce projet de loi baptisé par ses opposants "anti-Gandhi" d'après l'icône pacifiste de la décolonisation indienne, l'occupation d'une route hors parcours autorisé lors d'une manifestation, auparavant punie par une amende de 1.000 à 4.000 euros, est désormais passible d'une peine allant jusqu'à deux ans de prison.
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'Folie idéologique'
"Nous n'avons jamais fait face à une attaque contre la civilisation démocratique comme celle lancée par le gouvernement Meloni", a déclaré à l'AFP Giuseppe De Marzo, coordinateur national de "Réseau des chiffres pairs" regroupant plusieurs centaines d'associations de la société civile. Le Mouvement 5 Etoiles (M5S) a fustigé "une mesure profondément liberticide dont l'intention explicite est d'intimider et supprimer dans l’œuf la dissension politique et sociale".
Cette loi "est une véritable attaque contre la démocratie et l'Etat de droit", a critiqué l'Alliance Vert et Gauche (AVS), tandis que le secrétaire de +Europa, Riccardo Magi, l'a qualifiée de "concentré de folie idéologique que seul le gouvernement Meloni pouvait produire". L'article sur les manifestations fait partie d'un projet de loi plus large sur la sécurité qui prévoit notamment de faciliter l'incarcération des femmes enceintes ou ayant un enfant de moins d'un an, une mesure ciblant les pickpockets d'origine étrangère.
Alors que l'Italie affiche la 6ème plus haute surpopulation carcérale de l'Union européenne (109%) selon le Conseil de l'Europe, de nouvelles mesures sont introduites pour sanctionner les mouvements de protestation, même pacifiques, des détenus. La loi prévoit ainsi un délit de "révolte dans un établissement pénitentiaire" même quand il s'agit de "résistance passive", c'est-à-dire de désobéissance à un ordre.
En contrepartie du volet répressif du texte, il est proposé que les interrogatoires de police soient filmés. Mais il est aussi proposé d'augmenter l'aide financière de l'Etat aux membres des forces de l'ordre mis en cause dans des dossiers de violences.