Bien que tête de pont européenne des livraisons d’armes en Ukraine, la British Army est fragilisée, à cause d’orientation budgétaire à la baisse et de choix stratégiques d’abandonner certaines capacités. Historiquement reléguée en queue de peloton, derrière la Navy et l’Air Force, la British Army - l’équivalent de l’armée de terre française - touche aujourd’hui du doigt les limites des choix stratégiques d’abandonner certains segments, fruits de son histoire et de priorités budgétaires.
Si les Britanniques se sont présentés comme tête de pont européenne des livraisons à Kiev, avec 2,3 milliards de livres dépensées l’année dernière, ils font face aujourd’hui à un constat amer : plusieurs voix à Londres et Washington s’alertent de “l’état désastreux” de la défense du Royaume.
"Corriger rapidement le tir"
Si bien que le gouvernement prévoit d’actualiser sa revue stratégique pourtant récente dans les toutes prochaines semaines. "Ils ont beaucoup misé sur les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, le cyber. Beaucoup moins sur le combattant. Ils se retrouvent à devoir corriger le tir un peu en catastrophe et se rendent compte que leur modèle n’est pas adapté à la brutalité du contexte", explique un fin connaisseur de la British Army.
Plusieurs arbitrages stratégiques ont affaibli la force de combat du Royaume-Uni. D’abord la masse avec des réductions d’effectifs. Les troupes terrestres ont perdu 10.000 soldats, bientôt 3.000 de plus. Ensuite, le matériel est vieillissant. Au début des années 2000, l’armée de terre britannique possédait 900 blindés, contre 148 aujourd’hui. Surtout, les théâtres irakiens et afghans ont conduit à des achats sur étagère de matériels adaptés instantanément au contre-terrorisme, mais pas assez robustes face à une armée conventionnelle.
Adossement américain systématique
La trajectoire budgétaire a elle aussi fondu. Le budget de la défense du Royaume-Uni représente aujourd’hui 2% du PIB, tout juste au niveau des recommandations de l’OTAN, alors même que bon nombre de pays européens ont réhaussé ce taux depuis la guerre en Ukraine.
Ce qui fait dire à un haut gradé français que “les Britanniques ne peuvent même plus envisager la conduite d’une opération sans être adossés aux Américains”. Cette perte d’autonomie stratégique est plus criante encore sur le terrain de la dissuasion. A titre d’exemple, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) britanniques doivent avant et après chaque patrouille faire une halte aux Etats-Unis pour charger et décharger des ogives.
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Au niveau des Italiens et des Allemands
Ils n’ont pas non plus un seul satellite d’observation en moyen propre. "Drôle de conception de la souveraineté", commente-t-on à Paris. "Cet adossement aux américains est l’héritage de la seconde guerre mondiale. Oui c’est une perte d’autonomie, mais les USA sont toujours la meilleure armée du monde, ils ne se sont pas trompés dans leur alliance", nuance une autre source militaire.
Reste qu’à Washington, on place désormais la British Army à un niveau secondaire et on considère même qu’elle peinerait à se hisser au niveau de l’armée de terre allemande ou italienne.