Plus de trente civils touareg ont été tués vendredi par des djihadistes présumés dans le nord-est du Mali, à la frontière avec le Niger, ont indiqué samedi des sources concordantes. Cette nouvelle tuerie, après une attaque similaire dans la même région jeudi, porte à plus de quarante le nombre de Touareg de la communauté Idaksahak tués en 24 heures, selon le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA, issu de l'ex-rébellion à dominante touareg) et des responsables tribaux.
"Il y a eu 43 morts en deux jours, tous des civils, d'une même communauté", a déclaré samedi un responsable tribal joint à Menaka, principale ville de la région, qui s'est identifié par son prénom, Sidigui. "Nos combattants sont en train de détruire leurs bases et les anéantir. Ils viennent s'en prendre gratuitement aux civils innocents", a-t-il dit, voyant dans ces tueries des représailles aux coups portés aux djihadistes dans la zone par les groupes armés touareg.
Un appel aux gouvernement du Mali et du Niger. Le MSA a affirmé avoir "appris avec consternation l'assassinat de 43 personnes de la communauté Idaksahak lors de deux raids menés par des hordes de malfrats armés sur les campements d'Aklaz le 26 avril et Awakassa le 27 avril", dans un communiqué publié dans la nuit de vendredi à samedi. Il "lance un appel pressant aux gouvernements du Mali, du Niger afin qu'une initiative sérieuse soit engagée, en vue de mettre immédiatement fin aux crimes abominables qui sont commis", mais assure qu'il "ne cédera à aucune intimidation". Le gouverneur de Menaka, Daouda Maïga, s'est voulu prudent sur le bilan, indiquant attendre le résultat de l'envoi d'une mission sur les lieux. "Il y a plusieurs versions, mais je sais que des femmes et des enfants sont parmi les victimes, des vieilles personnes aussi, mais le chiffre exact je ne saurais le dire sans le retour de mes missionnaires", a-t-il précisé.
Les représailles étaient attendues. Les affrontements sont fréquents dans cette zone entre des djihadistes ayant prêté allégeance au groupe État islamique (EI) et deux groupes armés principalement touareg, le Groupe d'autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia, pro-Bamako), et le MSA, parfois associés à la force française Barkhane et à l'armée malienne. La population de la région s'attendait à des représailles des djihadistes à la suite des lourdes pertes qu'ils ont subies ces dernières semaines, a indiqué un notable de Menaka, Attaye Ag Ossadki. "Mais personne ne pouvait imaginer qu'ils allaient tuer de cette manière des civils aux mains nues", a-t-il ajouté.
Exécutions sommaires. La Mission de l'ONU au Mali (Minusma), a indiqué le 12 avril avoir reçu des informations "d'une particulière gravité" faisant état notamment "d'exécutions sommaires d'au moins 95 personnes" lors d'opérations antidjihadistes menées dans la région de Menaka "par une coalition de groupes armés", dont le Gatia et le MSA. Les deux groupes avaient démenti, dénonçant des "allégations scandaleuses et honteuses".
Depuis le lancement en 2013 d'une intervention militaire française, les groupes djihadistes ont été dispersés et en grande partie chassés du nord du Mali dont ils avaient pris le contrôle. Mais des zones entières du pays échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l'ONU, régulièrement visées par des attaques, malgré la signature en 2015 d'un accord de paix, censé isoler définitivement les djihadistes, dont l'application accumule les retards. Depuis 2015, ces attaques se sont étendues dans le centre et le sud du Mali et le phénomène déborde sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger.