Poussés dehors par les "obstructions" de la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé ce jeudi leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris, tout en affirmant vouloir rester engagés auprès des pays sahéliens et du Golfe de Guinée.
"En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états européens opérant aux côtés de l'opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel (...) au Mali et ont donc décidé d'entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations", soulignent-ils dans une déclaration conjointe.
Pour autant Emmanuel Macron ne veut pas entendre parler d'"échec" de la France. "Je récuse complètement ce terme. Que se serait-il passé en 2013 si la France n'avait pas fait le choix d'intervenir ? Vous auriez eu à coup sûr un effondrement de l'Etat malien. Je vous le dis avec beaucoup d'honnêteté, c'est ce qui était en train d'arriver et la France l'a évité", a-t-il déclaré ce jeudi matin.
Quelle organisation pour le retrait ?
On en sait déjà un peu sur le calendrier de retrait des troupes françaises. L'Etat Majors des Armées se donne jusqu'à fin août pour retirer ses derniers soldats du Mali. Un timing "très serré", reconnaissent plusieurs sources militaires, et avec le risque que la saison des pluies ralentisse la manœuvre. Il faut fermer trois bases, Gossi, Ménaka et Gao la plus importante de la région. Alors les 2.400 militaires à redéployer n'est pas le plus compliqué : il faut en revanche acheminer tout le matériel médical et les stocks de munitions par voie terrestre.
Pour ca, des dizaines de véhicules blindés vont être nécessaires car il n'est pas question de les laisser entre les mains des autorités maliennes. Des ponts aériens vont également se multiplier entre Gao, Niamey au Niger et la France, et tout cela doit être coordonné et sécurisé pour éviter d'éventuelles attaques djihadistes sur les convois. Un enjeu clé de ce retrait en effet, alors que les terroristes pourraient profiter de ce départ des Français pour étendre leur action vers les pays du Golfe de Guinée.
Invité sur Europe Midi jeudi, l'ancien ministre du Commerce Jean-Marie Bockel, qui a perdu son fils, soldat pour l'opération Barkhane en 2019 au Mali, a estimé qu'un "drame" se déroule pour le pays en question. "Tout avait été mis en œuvre pour que l'après présence militaire se passe dans les meilleures conditions avec l'engagement de tous. Sur le plan de la sécurité, de la reconstruction de l'Etat et du développement. Et après les deux coups d'État successifs, les choses se sont très vite délitées.", a-t-il affirmé.
Quels risques sécuritaires ?
Selon lui, la France a fait son devoir. "L'armée française a réussi sur le terrain. Nous sommes fiers de ce qu'ont fait ces soldats et évidemment très triste de ce qu'il se passe, puisque nos enfants sont morts au Mali. Et en même temps, nous avons cette espérance qu'un jour, le dialogue reprendra", a-t-il poursuivi. "Quand vous discutez avec les Maliens vous vous rendez compte qu'il y a au fond de la reconnaissance parce qu'ils savent ce qui serait arrivé si nous n'avions pas été là [...] Nous ne sommes pas loin, nous ne partons pas, même si c'est un crève cœur de devoir quitter le Mali."
Jean-Marie Bockel s'est enfin dit inquiet quant à l'avenir du pays. "Ce que prônent certains responsables, c'est un type de négociations avec nos ennemis qui, peu à peu, va faire basculer le Mali dans une espèce de no man's land sur le plan sécuritaire. Tout peut basculer et ce serait terrible. Ca aurait également un effet sur la sécurité de la région du Sahel et notre propre sécurité. C'est la raison pour laquelle il est bon que nous restions dans la région avec nos alliés, que nous gardions une capacité d'intervention."