Il n’a pas encore pris sa décision. En avril dernier, Manuel Valls avait suscité un certain émoi en indiquant sur une chaîne catalane "réfléchir" à une éventuelle candidature pour la mairie de Barcelone, dont l'élection est prévue en mai 2019. Cinq mois plus tard, l’ancien premier ministre de François Hollande n’a pas encore pris sa décision, mais assure au Monde qu’il se prononcera "en septembre". "Il s’agit d’un changement de vie, et pas seulement de vie politique", explique le natif de la capitale de la Catalogne, réélu député de l’Essonne d’une très courte tête en juin 2017, sous la bannière de La République en marche.
Vers une candidature progressiste et unioniste. S’il justifie ses hésitations par le chamboulement que représenterait pour lui un déménagement outre-Pyrénées, Manuel Valls laboure néanmoins le terrain depuis déjà de longs mois. Comme vous le révélait Europe 1 en mai, l’intéressé entretient son réseau en multipliant les rencontres avec les élus locaux et les grands patrons. Il pourrait surtout servir de tête d’affiche au parti progressiste Ciudadanos, arrivé en tête des élections parlementaires catalanes de décembre 2017, mais en manque de personnalités charismatiques. Féroce pourfendeur de l’indépendance catalane, Manuel Valls s’affiche régulièrement avec les unionistes de Ciudadanos. Pour la rentrée, il dédicacera d’ailleurs dans une librairie de La Rambla un livre collectif sur le sujet, indique Le Monde.
Une ambition raillée. Principal obstacle sur la route de Manuel Valls : sa méconnaissance apparente de la ville, déjà moquée par ses adversaires et par certains médias espagnols. Interviewé par une radio catalane, il n’a pas été capable de donner le nombre exacte de quartiers que compte Barcelone, ni de dire quel était le plus pauvre d’entre eux. De quoi donner du grain à moudre à ses potentiels adversaires, qui dénoncent en chœur l’énormité de ce potentiel parachutage. "Il n'a jamais mis les pieds dehors et ne connaît pas les problématiques des quartiers", a notamment taclé Ada Colau, l’actuelle maire de la ville, élue avec le soutien de Podemos. Début juillet, le baromètre électoral de la mairie de Barcelone ne créditait Ciudadanos que de 5,2% des voix.
De gauche et de droite ? Pour pallier ces défauts, Manuel Valls pourrait miser sur la transversalité. L’ancien chef du gouvernement français a déjà indiqué qu'il préférerait une candidature hors-parti. Afin de s’imposer comme une figure du consensus, il tenterait de réunir autour de lui des forces issues de la droite et du centre-gauche, sur le modèle de ce qu’a fait Emmanuel Macron en France. Il espère ainsi gagner le soutien de "catalanistes" de la société civile, c’est-à-dire de défenseurs de l’identité catalane qui ne vont pas jusqu’à réclamer l’indépendance, comme l’explique Mediapart, qui a consacré une longue enquête aux réseaux de l’ancien socialiste. "S’il est seulement le candidat des anti-indépendantistes, il ne pourra pas gagner Barcelone. Il doit faire campagne en faisant l’éloge de la grande métropole européenne", analyse ainsi auprès du pure player un "conservateur catalan" qui aurait proposé ses services à Manuel Valls.
Sulfureux soutien. Pour former ce qui s’apparente à une équipe de campagne, le potentiel candidat s’entoure également de figures issues de la droite, et dont l’une au moins a déjà suscité la controverse : Josep Ramon Bosch. Présenté par El Mundo comme l’ordonnateur de l’agenda de Manuel Valls, cet homme d’influence à l’important carnet d’adresse, ancien membre du Parti populaire espagnol, a dû quitter en 2015 la présidence de la Société Civile Catalane - une association militant pour l’unité espagnole - après qu’un journaliste l’eut accusé en 2015 d’être à l'origine d'un faux profil Facebook menaçant de mort journalistes et indépendantistes, mais aussi d’une chaîne Youtube à l’idéologie d’extrême-droite. Des accusations niées par l’intéressé, qui était déjà apparu lors d’une commémoration franquiste en 2013, comme le signale Equinox, magazine français consacré à l’actualité barcelonaise.