Avec la fin de l'hippodrome, c'est un pan de l'histoire libanaise qui pourrait disparaître. L'hippodrome de Beyrouth a été témoin de toutes les guerres qui ont embrasé le Liban mais, à l'aube de son centenaire, ce lieu emblématique risque de disparaître faute de rentabilité et d'investissements.
Un pan de l'histoire libanaise pourrait disparaître. Le maire sunnite de Beyrouth, Bilal Hamad, se dit prêt à investir si le lieu, construit en 1916 par les Ottomans, devient "un lieu ouvert à tous les habitants". "L'hippodrome fait partie du patrimoine de Beyrouth, pourquoi serait-il réservé seulement aux parieurs?", dit-il. Bilal Hamad est réticent à financer un lieu où se pratiquent des paris d'argent, contraires à l'islam. Avec la fin de l'hippodrome, c'est un pan de l'histoire libanaise qui pourrait disparaître. En témoigne un mur criblé de balles, où le temps n'a pas effacé le symbole vert et rouge de la Légion étrangère et sa devise "Calme dans la tourmente", peints en 1982 par des soldats français de la Force multinationale.
Un lieu de paix où se rencontraient les miliciens. Situé sur l'ancienne ligne de démarcation, le champ de course est à la croisée des quartiers chiites, sunnites et chrétiens. Durant la guerre civile "les miliciens se tiraient dessus la semaine et se retrouvaient (à l'hippodrome) le dimanche pour parier avant de reprendre le combat", se souvient l'entraîneur Ali Ahmed Seif Eddine. Sous les gradins, une salle servait même de lieu de rencontre des chefs de milices ennemis. Dotée d'entrées de chaque côté de la ville, elle permettait aux belligérants de négocier sans risque de guet-apens ou d'enlèvement.
"L'aviation israélienne a détruit toutes les tribunes. Lors de l'invasion du Liban en 1982, l'armée israélienne, postée derrière l'hippodrome, bombardait les combattants palestiniens se trouvant de l'autre côté. Nabil de Freige a obtenu un cessez-le-feu pour les évacuer grâce au président de l'époque, Elias Sarkis, grand amateur de chevaux, et de l'émissaire américain Philip Habib. Mais l'hippodrome, lui, ne s'en est jamais remis. Une fois les chevaux évacués, "l'aviation et les chars israéliens ont détruit toutes les tribunes, sans raison", et faute d'investissements municipaux, la reconstruction n'a jamais été terminée, regrette Nabil de Freige.