"J'ai honte parce que je sais qui est M.Trump. C'est un raciste. C'est un escroc. C'est un tricheur." Voilà en substance, selon les indiscrétions du New York Times, le discours que Michael Cohen, 52 ans, doit tenir mercredi devant la commission de contrôle de la Chambre des représentants, passée sous pavillon démocrate.
Interrogé mardi par les sénateurs spécialistes du renseignement, l'avocat new-yorkais doit cette fois s'exprimer, lors d'une audition publique et télévisée, sur plus d'une décennie passée aux côtés de Donald Trump : les finances de la Trump Organization, les déclarations d'impôt, les comptes douteux de sa fondation, les paiements effectués auprès de deux femmes pour acheter leur silence, le projet de Trump Tower à Moscou en pleine campagne présidentielle… Tout devrait y passer. De quoi faire trembler le président américain, dont Michael Cohen a été pendant de nombreuses années l'homme de confiance, le lieutenant.
Un avocat piqué de business. Michael Cohen, issue d'une famille juive - son père est un survivant de la Shoah -, est fils d'une infirmière et d'un chirurgien. Mais lui n'a pas choisi le milieu médical pour faire carrière. Après un diplôme de droit dans une université peu cotée du Michigan, il se lance en tant qu'avocat où il se fait davantage remarquer par ses projets annexes dans le monde du business que par le prestige des affaires qu'il traite. Certains dossiers offrent même l'image d'un avocat peu regardant sur la déontologie (intimidation, fraude à l'assurance, paiements douteux…).
Marié en 1994 à Laure Shusterman, d'origine ukrainienne, dont le père a construit sa richesse dans les taxis, il se lance lui aussi dans ce secteur avec le richissime Simon Garber, condamné pour malversations financières. C'est via ces connexions dans le business, et l'entregent de son beau-père, que Michael Cohen fait la connaissance de Donald Trump au milieu des années 2000. L'actuel président des États-Unis, alors à la tête d'un empire immobilier, est un modèle pour Michael Cohen, lui aussi actif sur ce marché et qui a investi plusieurs millions de dollars dans des bâtiments Trump…
Dix ans passés au service de Donald Trump. Après avoir fait ses preuves auprès du magnat de l'immobilier, Michael Cohen rejoint officiellement la Trump Organization en 2006. Devenu un proche confident de Donald Trump, il occupe un bureau tout près de son patron dans le Trump Tower, à New York, et conduit des projets, essentiellement dans les anciennes Républiques soviétiques, mais aussi en Floride. Il est le premier conseiller, l'avocat de Donald Trump autant que le "pitbull", un maître prêt à tout pour défendre son boss. Dans une expression restée célèbre, Michael Cohen s'était même dit "prêt à prendre une balle" pour Donald Trump. Mais aujourd'hui, c'est lui qui tire à boulets rouges sur l'actuel président des États-Unis, dont il ne cesse de dénoncer les "sales coups" et les "crimes".
Condamné à trois ans de prison. Michael Cohen, l'un des hommes de l'ombre de la campagne, rompt avec Donald Trump en 2017. Il aurait mal vécu le manque de soutien, notamment financier, de celui qui était devenu 45ème président des États-Unis, mais aussi ses premières mesures, notamment en termes de politique migratoire. Son père a peut-être joué un rôle dans ce revirement, ou cette prise de conscience. Cerné par les affaires, Michael Cohen choisit de coopérer avec la justice afin de bénéficier d'un éventuel aménagement de peine. Après avoir plaidé coupable de violations de la loi électorale, de fraudes bancaires et fiscales et de parjure, il est condamné à trois ans de prison en décembre 2018 et devrait être incarcéré à compter du 6 mai prochain. Compte tenu de cette condamnation, les défenseurs de Donald Trump ont tôt fait de le réduire à l'image d'"avocat escroc" afin de le discréditer. Car, depuis des mois, les révélations de Michael Cohen, sur le passé dans les affaires de Donald Trump mais aussi sur la campagne présidentielle de 2016, se succèdent, se révélant plus explosives les unes que les autres.
Il explique avoir payé 280.000 dollars (246.000 euros) une ancienne actrice pornographique et une ex-playmate pour éviter qu'elles ne parlent sur ordre de Donald Trump. Il assure aussi avoir payé pour truquer des sondages. Il dit avoir mené un projet de construction de Trump Tower à Moscou pendant la campagne présidentielle, ce qui fait écho, bien sûr, aux soupçons de collusion entre l'équipe de campagne de Trump et Moscou. Il déclare même que Donald Trump lui a demandé de mentir devant le Congrès à ce sujet lors de son audition devant une commission sénatoriale en 2017.
L'un des hommes de la chute ? Depuis le début de cette affaire, Donald Trump dément catégoriquement toute collusion avec la Russie pour mettre à mal sa concurrente de 2016, la démocrate Hillary Clinton, tout comme il remet en cause le moindre propos de Michael Cohen, qu'il affuble de tous les défauts possibles sur Twitter, parfois avec violence. S'il y porte tant attention, c'est que Michael Cohen, qui a accepté de collaborer avec le procureur spécial Robert Mueller dans l'enquête russe, a les moyens d'ébranler la présidence Trump. Le rapport Mueller doit sortir bientôt et pourrait, associé aux dires de Michael Cohen avocat, porter un coup très dur à Donald Trump.