Presque deux ans jour pour jour après l'élection de Donald Trump, les Américains ont été appelés aux urnes mardi pour désigner leurs représentants au Congrès lors des élections de mi-mandat. En jeu : les 435 sièges de la Chambre des représentants, un tiers de ceux du Sénat, ainsi que les postes de gouverneurs dans une trentaine d'États, de la Floride à l'Alaska. Les premiers résultats montrent que les démocrates devraient récupérer la Chambre des représentants, mais rester minoritaires au Sénat. Par ailleurs, de nouvelles têtes commencent à émerger, avec notamment l'élection des deux premières Amérindiennes et de deux premières femmes musulmanes.
Le scrutin tient lieu également de vote test pour le "commander in chief" Donald Trump, adulé par les uns, détesté par les autres. Pour convaincre les électeurs, le président septuagénaire a fait campagne jusqu'au dernier moment, enchaînant les rassemblements "Make America Great Again". Mais deux ans après la soirée du 8 novembre 2016, la majorité à la Chambre des représentants devrait permettre aux Démocrates de contrecarrer la politique de Donald Trump. Ils prennent également la tête de commissions parlementaires qui pourraient alors enquêter sur les soupçons de collusion entre l'équipe de campagne du milliardaire et la Russie lors de la présidentielle de 2016.
Les informations à retenir :
- Les Américains ont voté mardi pour désigner leurs représentants au Congrès ainsi que des élus locaux
- Les démocrates reprennent la majorité à la Chambre des représentants, tandis que les Républicains conservent le Sénat
- Une jeune génération démocrate émerge au Congrès et au niveau local. Mais les Républicains enregistrent des victoires majeures, notamment au Texas
Les résultats au niveau fédéral
Les Démocrates vont regagner une majorité à la Chambre des représentants. Ce n'est pas une surprise : les sondages l'avaient anticipé. Cette majorité devrait néanmoins être serrée. Quant aux Républicains, ils conservent le Sénat en confortant même leur position grâce à la récupération de plusieurs sièges démocrates. Détail qui a son importance : les sénateurs démocrates de l'Indiana, du Dakota du Nord, du Missouri et de la Floride, qui ont perdu leur poste, avaient tous voté contre la nomination à la Cour Suprême de Brett Kavanaugh.
En termes de nombre de sièges, au Sénat, les Républicains en ont 51 sur 100, ce qui leur assure déjà la majorité, les Démocrates 46. Il en reste encore deux à pourvoir (un second tour devant avoir lieu le 27 novembre pour le dernier siège encore non pourvu). À la Chambre des représentants, les Républicains ont 196 sièges, les Démocrates 221, soit la majorité absolue. Il en reste encore 20 à pourvoir. Les démocrates ont aussi gagné sept postes de gouverneurs - chefs de l'exécutif des Etats - mais ont échoué en Floride, grand Etat qui sera au centre de l'élection présidentielle de 2020 et que les démocrates croyaient mûrs pour la reconquête.
S'il n'y a pas de "vague bleue" à proprement parler, la poussée démocrate est donc notable. Les États-Unis devraient se retrouver avec une sorte de "cohabitation" entre une Chambre des représentants démocrate et un Sénat républicain, qui limitera la marge de manœuvre de Donald Trump. La cheffe de file des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a salué une occasion de "rétablir l'équilibre des pouvoirs". "Grâce à vous [les électeurs], demain sera un nouveau jour en Amérique", a-t-elle réagi mardi soir.
Nancy Pelosi, leader des démocrates à la Chambre des représentants, salue tous les candidats de son parti, ainsi que les électeurs. "Grâce à vous, demain sera un nouveau jour en Amérique. Aujourd'hui, l'enjeu est de rétablir l'équilibre des pouvoirs." #Midterms2018pic.twitter.com/RV6UFeK8P3
— Margaux Baralon (@MargauxBaralon) 7 novembre 2018
Ce qui n'a pas empêché le président américain d'évoquer sur Twitter un "immense succès" pour son camp.
Tremendous success tonight. Thank you to all!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 7 novembre 2018
Autre chiffres intéressants pour analyser les résultats des midterms, et qui illustre le renouvellement opéré par cette élection : jusqu'ici, les femmes n'avaient jamais occupé plus de 84 des 435 sièges de la Chambre des représentants. Ce record sera battu quoi qu'il arrive, puisqu'elles étaient déjà 96 mardi à l'aube, alors que tous les résultats n'étaient pas encore connus. Le précédent record sur le Congrès, donc l'ensemble des deux chambres, a été égalé.
Les Démocrates prennent la Chambre et font émerger une nouvelle génération
Des élections historiques ont été constatées pour les Démocrates. Deb Haaland et Sharice Davids sont devenus, au Nouveau-Mexique et au Kansas, les premières femmes Amérindiennes à siéger au Congrès en l'emportant face à Janis Arnold-Jones et Kevin Yoder. Davids, 38 ans, est par ailleurs ouvertement homosexuelle et l'a emporté sur des terres pourtant conservatrices. Au Colorado, c'est le premier gouverneur ouvertement gay qui a été élu, Jared Polis.
Élection d’un gouverneur gay dans le Colorado, ancien état conservateur. https://t.co/6uSzTV7dru
— Xavier Yvon (@xavieryvon) 7 novembre 2018
Deux femmes musulmanes démocrates vont faire leur entrée au Congrès. Une première là aussi. Il s'agit d'Ilhan Omar au Minnesota et Rashida Tlaib au Michigan. La première est une réfugiée somalienne de 36 ans. La seconde est née à Détroit de parents immigrés palestiniens.
Enfin, Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, est devenue la plus jeune femme élue au Congrès dans sa circonscription de New-York en défendant un programme associé à l'aile gauche du parti démocrate. Ancienne serveuse, ex-bénévole pour la campagne de Bernie Sanders, la jeune femme a promis d'être la porte-parole des "petites gens".
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Deux autres victoires sont à noter pour les Démocrates dans le Nevada et le Wisconsin. Dans le premier cas, c'est le seul siège que le parti de l'âne réussit à récupérer au Sénat. Dans le second, Tony Evers a réussi à évincer le Républicain Scott Walker au poste de gouverneur. Cet état, considéré comme l'un des "swing state" à même de faire basculer une élection, avait tourné le dos à Hillary Clinton en 2016, précipitant sa défaite face à Donald Trump.
Les Républicains, confortés au Sénat, enregistrent des victoires cruciales
Le parti de Donald Trump peut lui aussi se féliciter de quelques victoires majeures. Au Texas notamment, Ted Cruz sort vainqueur face à Beto O'Rourke, en lequel les démocrates plaçaient pourtant beaucoup d'espoir pour une entrée au Sénat.
Pour le Texas, @BetoORourke perd de peu, c’est déjà un exploit et attendez vous à ce que des voix à gauche l’appellent très vite à se présenter aux primaires pour être le candidat démocrate face à Donald Trump en 2020. pic.twitter.com/yhQ55M8jk6
— Xavier Yvon (@xavieryvon) 7 novembre 2018
Dans le Tennessee, l'appel de la chanteuse Taylor Swift à voter démocrate, qui avait entraîné un bond notable dans le nombre d'inscriptions sur les listes électorales, n'a pas été suivi : la candidate républicaine Marsha Blackburn l'a emporté pour la Chambre des représentants.
L'appel de Taylor Swift à voter pour le candidat démocrate dans le #Tennessee Phil Bredesen n'aura pas suffit : c'est la républicaine Marsha Blackburn qui remporte ce siège au Sénat alors que les démocrates avaient placé pas mal d'espoir dans cette course #Midterms2018
— Sonia Dridi (@Sonia_Dridi) 7 novembre 2018
Dans l'Indiana, la défaite du sénateur sortant démocrate Joe Donnelly a enterré toutes les chances de "vague bleue" dans cette chambre.
#Midterms2018 Premier Sénateur démocrate sortant battu, @SenDonnelly dans l'#Indiana. Plus aucune chance que les démocrates conquièrent la majorité au Sénat - non pas qu'ils en aient vraiment eu de solides. https://t.co/1RjiO92XBQ
— mathieu gallard (@mathieugallard) 7 novembre 2018
En Floride, le poste de gouverneur était très disputé tant les enquêtes d'opinion donnaient au Démocrate Andrew Gillum des chances de devenir le premier gouverneur noir du "Sunshine state" face au Républicain Ron DeSantis. Mais celles-ci ne se sont pas confirmées et DeSantis l'a emporté. "Nous reconnaissons que nous n'avons pas gagné ce soir", a déclaré Andrew Gillum, après une campagne marquée par des accusations de racisme. Dans le même État, les Républicains ont également pris le poste de sénateur au Démocrate sortant, Bill Nelson.
#CNN annonce la victoire de Ron DeSantis (Républicain) face à Andrew Gillum pour le poste de gouverneur en #Floride. #Midterms2018
— Margaux Baralon (@MargauxBaralon) 7 novembre 2018
La situation reste tendue pour le poste de gouverneur en Géorgie. L'ultra conservateur Brian Kemp est donné vainqueur, selon des résultats encore provisoires. Face à lui, la Démocrate Stacey Abrams a refusé, mardi soir, de reconnaître sa défaite. Cette candidate Afro-américaine espère encore devenir la première femme noire gouverneure, qui plus est dans un État encore marqué par le conservatisme et le racisme. Elle a appelé ses soutiens à se mobiliser pour compter chaque voix, espérant clairement un "runoff", l'appel d'une nouvelle élection lorsqu'aucune majorité absolue ne se dégage.
La presse américaine souligne la division du pays
Face à ces victoires en demi-teinte pour chacun des partis, la presse américaine livre ses analyses. D'abord sur la stratégie des Démocrates, qui ont eu tendance à miser sur les nouveaux votes de jeunes et de gens de couleur qui ne se déplaçaient pas aux urnes avant. "C'était la stratégie derrière Abrams, Gillum et Beto : arrêter de convaincre les électeurs de Trump, juste en attirer de nouveaux", observe Charlotte Alter, correspondante pour le Time. "Cela n'a pas marché."
Progressives have been telling themselves for months that they can win on mobilization alone: getting young ppl and voters of color to the polls. That was the strategy behind Abrams, Gillum, and Beto: to stop trying to convince Trump voters, just get new voters.
— Charlotte Alter (@CharlotteAlter) 7 novembre 2018
It didn't work.
Du côté du New York Times, on note d'abord et avant tout que "les divisions politiques et culturelles [du pays] n'ont fait que s'accentuer" depuis l'élection de Donald Trump, il y a deux ans. "La conquête de la Chambre des représentants par les Démocrates représente un appel, de la part d'une majorité du pays, à poser des limites [au président] dans les deux années à venir. Le chef de l'État fait face à un climat politique beaucoup plus hostile désormais."