Si les migrants qui tentent de traverser clandestinement la Méditerranée ciblent l'Europe dans son ensemble, les pays qui doivent faire face à cet afflux sont, eux, très limités : l'Italie, la Grèce et Malte supportent la majeure des efforts pour gérer ces migrants. Une situation intenable à moyen termes, d'autant que le nombre de migrants tentant la traversée ne cesse de grandir. L'Union européenne tente donc de trouver une solution à 28 pour une meilleur efficacité et doit présenter son plan mercredi, sauf que de nombreux Etats refusent de jouer le jeu.
Première piste : répartir l'effort. Parmi les pistes préconisées par Bruxelles, l'une d'elles provoque un vive opposition. La Commission souhaite imposer aux Etats l'obligation de prendre en charge des quotas de réfugiés afin de réduire la pression exercées par les arrivées continues de migrants en Italie, à Malte et en Grèce. Plus de 9.000 personnes parties des côtes de la Libye à bord d'embarcations surchargées ont été sauvées et sont arrivés au cours de la semaine en Italie, où leur accueil représente un défi, car les centres du pays hébergent déjà plus de 80.000 migrants. "Les Etats de l'UE doivent montrer leur solidarité et redoubler leurs efforts pour aider les pays de la ligne de front", insiste la version "non définitive" du projet.
Mais le caractère contraignant n'avait toujours pas été accepté dimanche, car certains commissaires veulent qu'elle se fasse sur une base "volontaire", a indiqué à l'AFP une source informée. Les divisions sont si fortes qu'aucun chiffre n'avait encore été arrêté dimanche sur le nombre de places à offrir aux réfugiés syriens. Le HCR demande à l'UE 20.000 places par an. "Jean-Claude Juncker souhaite une répartition obligatoire, mais c'est pratiquement devenu un casus belli", a expliqué une autre source. Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban l'a dénoncée vendredi comme une "idée folle". Viktor Orban n'est pas le seul à s'opposer à cette proposition. La droite française, membre du PPE, bloque également sur les quotas, ont indiqué des sources au sein du groupe.
Comment fonctionneraient ces quotas ? La proposition prévoit une redistribution des réfugiés sous forme de quotas calculés en fonction du PIB du pays, de sa population, de son taux de chômage et du nombre de réfugiés déjà installés. Elle concerne en premier lieu les pays d'Europe centrale, et plus particulièrement la Pologne, patrie du président du Conseil Européen Donald Tusk, accusés de ne pas se montrer solidaires. "Six pays --Allemagne, Royaume Uni, France, Suède, Italie, Belgique-- ont à charge 80% des demandes d'asile dans l'UE, 15 pays acceptent d'accueillir des réfugiés et treize ne font rien, ne prennent aucune responsabilité", dénonce l'ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, président du groupe Libéral au Parlement européen. La solidarité est le thème politiquement sensible de la proposition. Elle a fait capoter le sommet européen extraordinaire organisé le 23 avril après une série de naufrages meurtriers.
Faciliter l'immigration économique, l'autre piste. La Commission européenne estime également que les Etats devraient faire évoluer leur position sur l'immigration légale : actuellement, seule une demande de droit d'asile ou le regroupement familial permettent de rentrer légalement dans un pays européen. Les demandes d'acceuil pour des motifs économiques sont, elles, presque systématiquement rejetées.La Commission estime donc qu'ouvrir des voies légales pour l'immigration économique réduirait mécaniquement le flot de l'immigration illégale.
"Nous rejetons cette approche, car elle va renforcer le problème", a averti le président du Parti Populaire Européen (PPE, qui regroupe les partis de droite), l'Allemand Manfred Weber. Les migrants économiques doivent être refoulés, et les procédures de renvoi devront être accélérées, "sinon, à terme, nous perdrons tout soutien populaire pour les réfugiés", a soutenu Manfred Weber. Le PPE a donc obtenu le retrait de toute référence à l'immigration économique dans la résolution adoptée par l'assemblée, exclusivement consacrée à la prise en charge des seuls réfugiés. Mais Jean-Claude Juncker a décidé de passer outre : il veut proposer l'immigration économique dans le plan d'actions, et ce malgré l'opposition de nombreux commissaires, a indiqué dimanche à l'AFP une source informée.