Le contexte. A la mort du roi Abdallah, il y a exactement un an, le prince Salmane ben Abdel Aziz a été nommé, à 79 ans, roi d’Arabie saoudite. De santé précaire, le nouveau souverain s’est rapidement entouré d’hommes forts pour l’accompagner dans son règne. Deux hommes en particulier, et aux profils différents, le conseillent au quotidien : son fils, Mohammed ben Salmane et son neveu, Mohammed ben Nayef, prince-héritier du trône. Mais la montée en puissance du premier inquiète certains Saoudiens, et agacent même quelques membres de la famille royale.
Mohammed ben Salmane, le fils du roi. Mohammed ben Salmane est un jeune prince, de 35 ans, qui a réussi à s’imposer assez rapidement depuis l’accession au trône de son père. "Il a créé la surprise en seulement un an", note Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient et chargée de cours à Sciences-Po Paris.
"Les regards étaient davantage tournés vers Mohammed ben Nayef, prince-héritier du trône, qui était considéré, au moment de l’arrivée au pouvoir de Salmane, comme celui qui allait être l’homme fort du royaume, car c’est lui qui était en charge des affaires intérieures et plus particulièrement de la lutte contre le terrorisme dans le pays", ajoute la spécialiste.
" Ils le perçoivent comme un homme fougueux, un peu jeune "
Un jeune prince fougueux. Mais assez vite, Mohammed ben Salmane s’est imposé, bénéficiant d’une relation privilégiée avec le roi, qui n’est autre que son père. Très vite le jeune homme a été investi de beaucoup de responsabilités : il est devenu ministre de la Défense, puis il a très rapidement été chargé du dossier yéménite. Et c’est dans sa gestion de cette guerre, que mène l’Arabie saoudite en menant une coalition contre les rebelles Houthis, que le jeune ministre s’est révélé.
"Un certain nombre de Saoudiens s’interrogent sur sa personnalité. Ils le perçoivent comme un homme fougueux, un peu jeune, et qui cherche à s’imposer en se lançant dans certaines aventures – en particulier dans l’aventure yéménite – en se demandant s’il a vraiment les capacités pour le faire", souligne la professeure de sciences-politiques. Car dix mois après le début de l’offensive au Yémen, l’Arabie saoudite semble s’embourber.
Un roi faible, un prince ambitieux. L’assurance du jeune ministre de la Défense n’est pas toujours bien reçue. "Il est toujours difficile en Arabie saoudite d’exprimer son opposition, mais certains estiment que le roi est malade et que son fils a pris des libertés en emmenant, notamment, l’Arabie sur un chemin problématique au Yémen", insiste Agnès Levallois.
Cette montée en puissance est source de tensions au sein même de la famille royale. Mohammed ben Nayef, prince-héritier du trône, a vu son cousin prendre beaucoup de place depuis un an. "Pourtant, Nayef a une vraie légitimité, de par sa longue expérience, notamment en termes de lutte contre le terrorisme qu’il mène depuis des années", souligne la spécialiste.
S’il n’est pas envisageable, aujourd’hui, que Mohammed ben Salmane écarte son cousin de la succession au trône, il existe néanmoins une rivalité entre les deux hommes. "On est dans une lutte pour savoir qui va être le plus fort et engranger le plus de retombées bénéfiques pour le royaume", analyse la spécialiste. Or, le bilan actuel donne l’avantage à Mohammed ben Nayef, ministre de l’Intérieur, qui a mis en place une politique rigoureuse de lutte contre le terrorisme dans le royaume, là où son cousin, ministre de la Défense, semble, lui, enlisé avec la guerre au Yémen.