L'Union africaine (UA) a exigé le rétablissement sous quinze jours de "l'autorité constitutionnelle" au Niger après le coup d'Etat militaire contre le président élu Mohamed Bazoum, séquestré dans sa résidence par des membres de la garde présidentielle, dont le chef, Abdourahamane Tiani, est le nouvel homme fort du pays. L'UA "exige" également "le retour immédiat et sans condition des militaires dans leurs casernes" dans le même délai, a annoncé le Conseil de paix et de sécurité après une réunion vendredi de cette instance de l'organisation.
L'Union européenne de son côté "ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch", a déclaré de son côté le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell. Outre la suspension de toute aide budgétaire, toute "coopération dans le domaine sécuritaire" est suspendues sine die avec effet immédiat", a-t-il souligné.
Un Conseil de défense nationale
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken avait assuré Mohamed Bazoum de "l'indéfectible soutien" de Washington lors d'un appel téléphonique. Le président français Emmanuel Macron devait ouvrir samedi à 15H00 locales (13H00 GMT) un Conseil de défense et de sécurité nationale sur ce pays où 1.500 soldats de la France sont actuellement déployés et travaillaient jusqu'ici avec l'armée nigérienne. Les Etats-Unis en comptent pour leur part environ un millier sur place.
Le Niger est l'un des derniers alliés de Paris au Sahel. Auparavant essentiellement une base de transit pour les opérations au Mali, dont la force Barkhane s'est retirée, il est le seul pays africain avec lequel la France entretient encore un partenariat dit "de combat" contre les jihadistes. Emmanuel Macron a condamné "avec la plus grande fermeté" le coup d'État, le ministère des Affaires étrangères indiquant que la France "ne reconnaît pas les autorités" issues du putsch. Dimanche, "un sommet spécial" de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), à laquelle appartient le Niger, se tiendra à Abuja au Nigeria pour évaluer la situation, avec de probables sanctions à la clé.
Objectif : tenter de convaincre le général Tiani de rendre le pouvoir au président Bazoum. Et, en cas d'échec, discuter d'éventuelles sanctions.
Le général Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle du Niger à l'origine de la chute du président élu, s'est présenté vendredi comme le nouvel homme fort du pays, avant que l'entourage politique de Mohamed Bazoum ne dénonce "un coup d'État pour convenance personnelle".
Bazoum séquestré
Le général Tiani est apparu sur les écrans de la TV nationale pour lire un communiqué en tant que "président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP)", la junte putschiste. Proclamé ensuite chef de l'État par ses pairs, il a justifié le coup d'État de mercredi par "la dégradation de la situation sécuritaire" dans un Niger miné par la violence de groupes jihadistes. Selon lui, "l'approche sécuritaire actuelle n'a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs" - la France et les États-Unis faisant partie des principaux -, à qui il demande de "faire confiance à nos Forces de défense et de sécurité".
Il s'est aussi interrogé sur "une approche sécuritaire" qui "exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali", deux pays voisins du Niger, également dirigés par des militaires putschistes et frappés par la violence jihadiste. Un proche de Mohamed Bazoum a confié à l'AFP que le "remplacement" d'Abdourahamane Tiani et "une refonte en profondeur de la garde présidentielle devaient être décidés dès ce jeudi (27 juillet) en conseil des ministres". Le général Tiani, haut gradé discret, commande la garde présidentielle depuis sa nomination en 2011 par Issoufou Mahamadou, prédécesseur de Mohamed Bazoum.
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Mohamed Bazoum entame samedi sa quatrième journée de séquestration dans sa résidence présidentielle, mais a pu s'entretenir au téléphone avec d'autres chefs d'État, parmi lesquels Emmanuel Macron. Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu'alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l'État islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d'État depuis 2020. Le Mali et le Burkina Faso se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol.
Pour Michel Galy, géopolitologue et spécialiste de l'Afrique subsaharienne, la priorité est aux négociations. Tant que le contact est possible avec le président Bazoum. "²Il ne peut pas se déplacer. S'il est séquestré par la garde présidentielle, il peut téléphoner aux responsables américains, français, africains. Donc il y a des tractations en cours qui cherchent à faire rentrer les militaires dans les casernes ou à mettre en place un régime de transition. En dehors du scénario catastrophe d'une intervention militaire, il y a peut-être des négociations possibles entre militaires et politiques."
Condamnations internationales
La junte, qui rassemble tous les corps de l'armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu, désormais de 00h à 05h00 du matin. Le putsch a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger, plusieurs pays africains et l'ONU, qui ont demandé la libération de Mohamed Bazoum. À Nairobi, le président kenyan William Ruto a estimé qu'avec ce coup d'État, "l'Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques".
Riche en uranium, le Niger a une histoire jalonnée de coups d'État depuis l'indépendance de cette ex-colonie française en 1960.