Des milliers de femmes qui ont survécu à l'insurrection djihadiste de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria sont toujours victimes d'abus et de négligence de la part des autorités, a dénoncé vendredi Amnesty International dans un communiqué.
Des faveurs sexuelles en échange de nourriture. Beaucoup de ces victimes du conflit, confinées dans des camps de déplacés gardés par l'armée, ont toujours de grandes difficultés à trouver de la nourriture et à accéder aux produits de première nécessité, a affirmé l'ONG de défense des droits humains à l'occasion de la journée des droits des femmes.
"Nous savons depuis longtemps que les femmes sont obligées par les membres des forces de sécurité d'échanger des faveurs sexuelles contre de la nourriture et autres moyens de subsistance, simplement pour survivre et nourrir leurs enfants", a déclaré Osai Ojigho, directeur d'Amnesty International Nigeria cité dans le document. Selon l'ONG, "les restrictions de mouvement et le manque d'assistance augmente les risques d'exploitation sexuelle par les forces de sécurité présentes dans et autour des camps".
Un système d'exploitation sexuelle déjà pointé. Amnesty International avait publié en mai 2018 un rapport accablant sur la situation dans les camps de déplacés, accusant l'armée et les milices d'autodéfense engagées à ses côtés d'avoir "séparé les femmes de leur époux" et de les avoir "enfermées dans des 'camps annexes' isolés" pour les violer.
Le rapport s'appuyait sur plus de 250 entretiens dans sept villes de l'État du Borno, le plus touché par l'insurrection. Plusieurs femmes et jeunes filles avaient par exemple confié avoir été violées fin 2015 et début 2016 dans le camp Hôpital de Bama, "où des conditions proches de la famine sévissaient" alors.
Des enquêtes au point mort. L'armée avait vivement démenti ces accusations de viols, qualifiant ce rapport de "mensonger", mais a toutefois promis d'enquêter sur les accusations d'exactions par l'armée qui ont rejailli à plusieurs reprises ces dernières années. Les victimes "sont sur le point de perdre tout espoir d'obtenir justice, les promesses d'enquêter n'ayant mené nulle part", a ajouté Osai Ojigho, qui a également appelé le Sénat à enquêter sur ces allégations.
Des hommes détenus illégalement. Il a également dénoncé la "détention arbitraire de milliers d'hommes par les forces de sécurité (...) illégale au regard du droit international", alors que leurs familles et proches sont sans nouvelles d'eux, l'armée refusant de fournir des renseignements sur leur sort.