Des militaires maliens mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition ont arrêté le président et le Premier ministre lundi, dans un coup de force secouant le pays plongé depuis des années dans une crise profonde. Une grande partie de la communauté internationale a condamné "fermement la tentative de coup de force" et, dans un communiqué, "exige la libération immédiate et inconditionnelle" du président Bah Ndaw et du Premier ministre Moctar Ouane.
Les informations à retenir :
- Le président et le Premier ministre malien ont été conduits de force lundi dans un camp militaire
- Lundi, le Premier ministre avait annoncé un gouvernement écartant certains militaires à l'origine du coup d'Etat de 2020
- Le Mali s'est engagé à organiser des élections début 2022
Qu'est-il arrivé au président et au premier ministre malien ?
Les deux hommes ont été conduits avec certains collaborateurs sous la contrainte par des soldats au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de Bamako, haut lieu de l'appareil militaire malien. C'est dans ce même camp que le président élu Ibrahim Boubacar Keïta avait été conduit de force le 18 août 2020 par des colonels putschistes pour annoncer sa démission. Ce sont, semble-t-il, les mêmes colonels qui sont à la manœuvre neuf mois plus tard, des proches de l'homme fort malien, le colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition. Leurs intentions ne sont pas connues.
Comment a réagi la communauté internationale ?
La mission des Nations unies au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne ont affirmé dans un communiqué commun "leur ferme soutien aux autorités de la transition". Ils ont rejeté par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé lundi dans un tweet "au calme" au Mali et à la "libération inconditionnelle" de ses dirigeants civils, arrêtés dans la journée par les militaires. Selon des diplomates, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait tenir une réunion d'urgence dans les prochains jours sur la situation au Mali. Le médiateur de la Cédéao, Goodluck Jonathan, est annoncé dès mardi à Bamako, a-t-on appris de sources diplomatiques.
Pourquoi un gouvernement de transition est-il à la tête du mali ?
Ces évènements sont survenus quelques heures seulement après l'annonce d'un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires, mais dont ont été écartés des officiers proches de la junte qui avait pris le pouvoir après le coup d'Etat d'août 2020 et dont Assimi Goïta était le chef. Les colonels avaient installé au bout de quelques semaines des autorités de transition, dont un président, Bah Ndaw - militaire retraité -, et un gouvernement dirigé par Moctar Ouane, un civil. Ils s'étaient engagés, de mauvais gré et sous la pression de la communauté internationale, à organiser des élections au bout de 18 mois.
Pour quelles raisons la junte se retourne contre le président et le Premier ministre qu'elle a installés ?
Confronté à une contestation politique et sociale grandissante, le Premier ministre a formé une nouvelle équipe d'ouverture lundi. La grande inconnue était la place qui serait faite aux militaires, en particulier aux proches de la junte. Dans le gouvernement annoncé, les militaires détiennent toujours les ministères clefs de la Défense, de la Sécurité, de l'Administration territoriale et de la Réconciliation nationale. Néanmoins, deux membres de l'ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la Défense et de la Sécurité, remplacés respectivement par le général Souleymane Doucoure et par le général Mamadou Lamine Ballo.
Le nouveau gouvernement accueille également deux ministres membres de l'Union pour la République et la Démocratie (URD), principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5), le collectif qui avait animé la contestation ayant débouché sur le renversement du président Keïta. "Par ce remaniement, le président de transition et son Premier ministre ont voulu lancer un message ferme : le respect du délai de la transition reste la priorité", avait expliqué une source proche de la présidence ayant requis l'anonymat. Selon cette source, "un réajustement était nécessaire aux postes de là Défense et de la Sécurité", dont les nouveaux titulaires "ne sont pas des figures emblématiques de la junte".