C'est une annonce qui a fait pousser au monde entier un ouf de soulagement : le leader de la Corée du Nord Kim Jong-un a annoncé samedi son intention de suspendre les tests de missiles et les essais nucléaires. Une décision surprenante alors que le petit État asiatique maintenait ses partenaires sous tension depuis plusieurs années, à coup d'annonces provocatrices et d'avancées significatives vers le développement d'une puissante bombe nucléaire. Si ce coup d'arrêt n'a encore rien de définitif, il laisse entrevoir une désescalade inespérée il y a tout juste quelques mois.
Un pas en avant, un pas en arrière
Le début du programme nucléaire nord-coréen remonte à la Guerre froide. Après le conflit en Corée, les États-Unis se désengagent de la région et l'URSS se rapproche de la péninsule du Nord, dirigée d'une main de fer par Kim Il-sung, le grand père de l'actuel leader. En 1965, les soviétiques fournissent à la Corée du Nord un réacteur de recherche, premier contact du pays avec le nucléaire. Dans les années 1970, Pyongyang travaille sur des missiles courte portée. Toutefois, Kim Il-sung décide de signer le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1985.
Une signature de façade : derrière les mots, Pyongyang développe en secret ses propres réacteurs nucléaires depuis le début des années 1980. La tension monte avec les États-Unis qui accusent (déjà) la Corée du Nord de chercher à posséder un arsenal nucléaire. Finalement, une détente s'amorce en 1994 après la mort de Kim Il-sung. Son fils, Kim Jong-il lui succède et s'engage à démanteler son programme militaire nucléaire en échange de la construction de réacteurs civils.
Premiers essais nucléaires
L'arrivée au pouvoir de George W. Bush aux États-Unis change tout. Dès sa prise de fonctions, il accuse de nouveau Pyongyang de développer - sous le radar - un second programme nucléaire et inscrit le pays dans son "axe du mal". En réponse, Kim Jong-il expulse les observateurs étrangers de son pays, sort du TNP et teste des missiles balistiques. Finalement, au nez et à la barbe des dirigeants mondiaux, la Corée du Nord procède à son premier essai nucléaire le 9 octobre 2006. Théoriquement, Hawaï et l'Alaska sont à portée de tir. L'ONU réplique et vote des sanctions contre le petit pays.
De nouveau, la pression exercée par l'Occident amène Pyongyang à faire marche arrière : les observateurs sont autorisés à revenir en 2007 et constatent l'arrêt du programme nord-coréen. Mais là encore, Kim Jong-il fait marcher l'ONU. Deux ans plus tard, il procède à son deuxième essai nucléaire. Retour à la case départ : le programme militaire est officiellement relancé et les observateurs internationaux expulsés. La mort du dirigeant en 2011 laisse entrevoir une possible réconciliation avec les États-Unis. Un espoir rapidement déçu…
Kim Jong-un le provocateur
Dès son arrivée au pouvoir, Kim Jong-un réalise plusieurs tests de missiles balistiques et rompt ses relations avec l'administration Obama. Début 2013, il se félicite du troisième essai nucléaire, plus puissant que les deux premiers. Après quelques années plutôt discrètes, la Corée du Nord redevient une menace majeure en janvier 2016 après son quatrième essai nucléaire. Pyongyang affirme alors qu'il s'agit d'une bombe à hydrogène, bien plus dévastatrice qu'une bombe atomique. Le jeune leader renouvelle l'expérience en septembre de la même année mais les experts restent sceptiques sur la puissance des bombes.
L'année 2017 confirme l'escalade amorcée par Kim Jong-un. La Corée du Nord multiplie les tirs de missiles balistiques (14 au total en un an) et affirme que "tous les États-Unis" sont à sa portée. Arrivé à la Maison-Blanche en janvier, Donald Trump s'emporte régulièrement contre les ambitions militaires de Pyongyang. En août, alors que Kim Jong-un assure que son pays peut embarquer une bombe nucléaire sur ses missiles, le président américain réplique et promet "le feu et la colère" au leader nord-coréen.
Pas de quoi impressionner le dirigeant de 34 ans : moins d'un mois après, il procède au sixième essai nucléaire, le dernier en date. La bombe testée se révèle six fois plus puissante que la précédente. La menace nord-coréenne se crédibilise et les craintes d'une guerre nucléaires renaissent. En face, l'Occident renforce les sanctions économiques, cette fois avec le soutien de la Chine et de la Russie, partenaires historiques de la Corée du Nord. A la tribune de l'ONU, Donald Trump éructe en qualifiant Kim Jong-un d'"homme-fusée" et menace de "détruire complètement" la Corée du Nord.
Une détente pour de bon ?
A la surprise générale, c'est au moment où la tension n'a jamais été aussi élevée que le régime nord-coréen tend la main au reste du monde. A l'occasion des Jeux olympiques d'hiver en Corée du Sud en février, Kim Jong-un décide d'envoyer une délégation qui défile côte-à-côte avec les athlètes du Sud, sous drapeau commun. Dans la foulée, il accepte de rencontrer Donald Trump, un sommet historique qui devrait se tenir "en mai ou début juin", selon le président américain.
Les progrès politiques fulgurants des trois derniers mois ont donc finalement abouti samedi à l'annonce surprenante de Kim Jong-un sur la démilitarisation de la Corée du Nord. Selon lui, Pyongyang cherche désormais à "fournir des contributions positives à l'établissement d'un monde libéré des armes nucléaires". Une main tendue saluée par Donald Trump qui y voit "une très bonne nouvelle pour le monde". Reste à prouver que le leader nord-coréen joue franc-jeu. L'histoire a montré qu'en matière de poker menteur, la Corée du Nord a toujours une longueur d'avance…