Après 12 ans d'impasse, un accord sur le nucléaire iranien a officiellement été signé par toutes les parties, mardi à Vienne. Depuis des semaines, les diplomates de plusieurs puissances étrangères étaient réunis pour rédiger le texte final, après la conclusion d'un accord-cadre au mois d'avril. La conclusion de ces négociations a été plusieurs fois repoussée, pour permettre aux négociateurs de s'entendre sur un accord, considéré par Laurent Fabius comme "suffisamment robuste", mais "pas parfait" par Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères. Pour autant, "de nouveaux horizons" s'ouvrent pour l'Iran, a estimé le président iranien Hassan Rohani sur Twitter.
L'ESSENTIEL DES INFOS :
- Les sanctions économiques contre l'Iran devraient être levées progressivement
- L'AIEA aura un "accès limité" à certains sites militaires iraniens
- Les républicains américains et Israël dénoncent déjà l'accord
Que prévoit l'accord ? Le groupe de diplomates appelé 5+1 réunissait les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Union européenne discutait depuis des mois avec le nouveau régime iranien. Le nerf de la guerre consistait à obtenir des garanties pour s'assurer que Téhéran ne cherche pas à mettre la main sur l'arme atomique. En échange, les grandes puissances devaient lever les lourdes sanctions économiques qui pèsent sur l'Iran.
Le texte de l'accord n'a pas encore été officiellement diffusé mais il a fuité. Selon différentes sources diplomatiques, l'embargo des Nations unies sur les importations d'armes par Téhéran sera maintenu pendant cinq ans et celui qui vise les missiles ne pourra pas être levé pendant huit ans. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avait réclamé le droit de visiter les sites militaires iraniens, pour s'assurer que Téhéran ne cherche pas à construire secrètement une bombe atomique. Selon les termes de l'accord, l'Iran aurait finalement accepté de leur permettre un "accès limité" à certains sites. Le pays a aussi autorisé une enquête sur son programme nucléaire passé.
Concernant les sanctions, elles devraient pouvoir être levées à partir du premier semestre 2016. Mais si l'Iran ne respecte pas l'accord, le texte prévoit un retour de la répression économique sous 65 jours. Ce retour en arrière devrait rester possible pendant 15 ans.
Comment ont réagi les principaux concernés ? Le négociateur et ministre iranien Javad Zarif a parlé de "moment historique". "Dieu a exaucé les prières" du peuple iranien, a, de son côté, déclaré le président iranien Hassan Rohani, élu en 2013. Dans son intervention télévisée, il a répété que "l'Iran ne cherchera jamais à avoir l'arme nucléaire". "Si cet accord est appliqué correctement (...) nous pouvons peu à peu éliminer la méfiance", a-t-il affirmé. Les autorités iraniennes s'attendent à des scènes de liesse à Téhéran, comme ce fût le cas lors de la conclusion de l'accord-cadre au mois d'avril.
Pour la première fois depuis 36 ans, le discours de Barack Obama a été retransmis en direct à la télévision d'Etat iranienne. Le président américain s'est félicité, voyant dans cet accord une preuve "que la diplomatie américaine peut produire des changements réels et significatifs". Il a tenu à rassurer les détracteurs en soulignant que l'accord était "fondé sur les vérifications, pas sur la confiance".
François Hollande a, lui, choisi d'utiliser une formule forte : "Le monde avance", s'est-il félicité lors de son discours du 14 juillet. Son ministre des Affaires étrangères, en première ligne sur le dossier, a estimé dans une interview accordée au Monde que la "ligne de fermeté constructive" adoptée par la France "a permis d'aboutir à un accord suffisamment robuste." Selon Laurent Fabius, l'accord de Vienne "assure le caractère exclusivement pacifique du nucléaire iranien". Il a aussi indiqué qu'il pourrait se rendre prochainement à Téhéran.
Vladimir Poutine, dont le chef de la diplomatie était présent à la table des négociations, a s'est dit "convaincu que le monde a poussé aujourd'hui un grand soupir de soulagement".
Les républicains américains vont-ils bloquer l'accord ? Le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, a dénoncé mardi l'accord conclu avec l'Iran, et nombre de ses collègues parlementaires ont promis de tout faire pour tenter de le bloquer. "Au lieu d'arrêter la propagation des armes nucléaires au Moyen-Orient, cet accord va probablement lancer une course aux armes nucléaires dans le monde", a déclaré John Boehner. Le Congrès américain n'a pas à approuver l'accord mais il a le pouvoir d'en bloquer un élément central : la suspension des sanctions américaines. Barack Obama a menacé d'opposer son veto à tout texte législatif qui menacerait sa mise en oeuvre. "Il serait irresponsable de s'éloigner de l'accord actuel", a mis en garde le président américain lors de son discours.
Quelle réaction en Israël ? Le Premier ministre israélien n'a pas mâché ses mots, parlant d'une "erreur historique pour le monde". "L'Iran va recevoir des centaines de milliards de dollars qui vont lui permettre de faire fonctionner sa machine de terreur", a estimé le chef du gouvernement, un des plus farouches ennemis du régime iranien. Barack Obama a indiqué mardi qu'il téléphonerait à Benjamin Netanyahou dans la journée.
Combien de temps ont duré les négociations ? Les prémices de cet accord ont eu lieu en novembre 2013 avec un gel du programme nucléaire iranien et une levée partielle des sanctions. L'accord définitif a pris plus d'un an et demi. Les grandes lignes avaient été fixées dès avril à Lausanne mais il restait à en établir les complexes modalités pratiques. Cela aura été encore plus long que prévu : la séquence de 17 jours des pourparlers viennois aura été l'un des plus longs cycles de négociations internationales. Si les discussions se sont éternisées, c'est en raison de désaccords sur la durée de l'accord, le rythme de la levée des sanctions ou l'accès aux sites militaires iraniens. Les négociations ont également buté sur la levée de restrictions sur le programme balistique et le commerce des armes, réclamé par Téhéran avec le soutien de Moscou.
Mais ces dernières heures, plusieurs indices montraient qu'un épilogue était en vue : dimanche, le président Rohani a comparé les négociateurs à des alpinistes arrivés tout près du sommet. Lundi, un message faisant état d'un accord était brièvement apparu sur le compte Twitter du président iranien avant d'être retiré. Autre indice : le ministre iranien de l'Intérieur a demandé aux autorités locales de se préparer à des scènes de liesse dans les rues de Téhéran.