Après des jours, voire des semaines en mer, trois navires ambulances ayant secouru des migrants qui tentaient la traversée entre les côtes nord-africaines et l'Europe ont obtenu l'autorisation d'accoster dans des ports italiens. Mais Rome n'a autorisé qu'une partie des rescapés à descendre à quai, au grand dam des organisations humanitaires.
Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a demandé mercredi à l'Italie de "jouer son rôle" et de "respecter ses engagements européens", en accueillant le navire Ocean Viking sur lequel plus de 200 migrants sont bloqués. "Le bateau est actuellement dans les eaux territoriales italiennes, il y a des règles européennes extrêmement claires et qui ont été d'ailleurs acceptées par les Italiens qui sont, de fait, le premier bénéficiaire d'un mécanisme de solidarité financier européen", a rappelé M. Véran, estimant "inacceptables" les "déclarations" du gouvernement italien et son "refus de laisser accoster ce bateau".
Le "Rise Above", navire de l'ONG allemande Lifeline, a pu faire descendre mardi matin à Reggio Calabria, dans la pointe sud de la botte italienne, la totalité des 89 migrants à son bord. Six migrants en avaient été évacués dimanche pour raisons médicales.
Le navire battant pavillon allemand Humanity 1, de l'ONG SOS Humanity, a été autorisé à accoster dimanche à Catane, en Sicile, pour débarquer 144 personnes, essentiellement des femmes et des mineurs. Mais l'Italie a refusé 35 hommes majeurs. Le Geo Barents, navire de Médecins sans frontières (MSF) battant pavillon norvégien, a également accosté dimanche soir à Catane : 357 personnes ont pu débarquer, dont des enfants, mais l'entrée a été refusée à 215 autres.
Le refus d'accueillir les passagers "viole les obligations de l'Italie vis-à-vis des droits humains"
Parmi eux, deux Syriens qui ont sauté dans les eaux du port lundi, tandis qu'une troisième personne plongeait pour leur porter secours. Sains et saufs, ils ont dormi dans une camionnette sur le quai et pourront demander l'asile, a expliqué à l'AFP le sénateur démocrate Antonio Nicita. Une nouvelle inspection médicale devrait avoir lieu mardi à bord du Geo Barents où une épidémie de gale sévit, a-t-il expliqué.
Le refus d'accueillir l'ensemble des passagers de ces navires "les met en danger et viole les obligations de l'Italie vis-à-vis des droits humains", a estimé mardi l'ONG Human Rights Watch. Le droit international et européen "garantit le droit à demander l'asile et bannit les expulsions collectives", a-t-elle rappelé.
"Le résultat d'un échec critique et dramatique de tous les États membres de l'UE"
L'Ocean Viking, de l'ONG européenne SOS Méditerranée, qui bat aussi pavillon de la Norvège, n'a en revanche pas reçu le feu vert pour accoster en Italie. Il naviguait mardi matin au large du port sicilien de Syracuse, a indiqué à l'AFP un photographe à bord. "Face au silence assourdissant de l'Italie", SOS Méditerranée a indiqué avoir demandé mardi à la France d'assigner un port sûr à l'Ocean Viking qui "devrait arriver dans les eaux internationales près de la Corse le 10 novembre".
"Cette solution extrême est le résultat d'un échec critique et dramatique de tous les États membres de l'Union européenne et des États associés à faciliter la désignation d'un lieu sûr", a insisté l'ONG dans son communiqué.
La France dénonce le "comportement inacceptable" des autorités italiennes
Le gouvernement français a dénoncé mardi soir le "comportement inacceptable" des autorités italiennes qui est "contraire au droit de la mer et à l'esprit de solidarité européenne", a déclaré une source gouvernementale française à l'AFP. "Nous attendons autre chose d'un pays qui est aujourd'hui le premier bénéficiaire du mécanisme de solidarité européen", a-t-elle ajouté.
Plus tôt dans la soirée, la nouvelle Première ministre italienne d'extrême droite Giorgia Meloni avait remercié la France qui, selon elle, acceptait d'accueillir l'Ocean Viking --qui a recueilli 234 migrants-- dans un de ses ports. Mais le ministère français de l'Intérieur a précisé que le navire se trouvait "pour l'instant" dans les "eaux italiennes", "jusqu'à demain (mercredi, NDLR) midi au moins".
Le nouveau gouvernement italien s'est engagé à observer une ligne dure vis-à-vis des migrants
Le nouveau gouvernement italien, le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale, s'est engagé à observer une ligne dure vis-à-vis des migrants. Il réclame une plus grande solidarité des pays européens dans l'accueil des migrants et estime que les États sous le drapeau desquels les bateaux naviguent doivent prendre leur part.
Selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Allemagne a été en 2021 le pays de l'UE ayant enregistré le plus grand nombre de demandes d'asile (148.200), devant la France (89.400), l'Espagne (65.400), le Royaume-Uni (56.500) et l'Italie (43.800).
L'Italie constate cette année une forte augmentation des entrées sur son territoire par la mer, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, avec 88.100 personnes arrivées sur ses côtes depuis le 1er janvier contre respectivement près de 56.000 et 30.400 sur la même période de 2021 et 2020, années de la crise sanitaire. Seulement 14% des migrants entrés dans le pays cette année ont été secourus et débarqués par les navires des ONG humanitaires, selon le ministère.