L'offensive visant à reprendre Mossoul à l'organisation Etat islamique (EI) a officiellement commencé, lundi. Menée par les forces irakiennes, celle-ci pourrait prendre plusieurs mois, plusieurs milliers d'hommes de l'EI se trouvant dans la ville, truffée de mines et abritant une importante population civile. Mais, à moyen terme, la chute de la ville où Abou Bakr al-Baghdadi avait proclamé son califat semble inéluctable. Un évènement qui pourrait entraîner des conséquences à l'étranger selon Stéphane Mantoux, agrégé d'histoire et spécialiste de l'Etat islamique, interrogé par Europe1.fr.
L'offensive sur Mossoul constitue-t-elle une étape décisive dans la guerre contre l'EI ?
Mossoul est une ville très forte sur le plan symbolique pour l'Etat islamique, qui la détient depuis 2014. Elle a aussi été le fief de l'ancêtre de l'organisation, Al-Qaïda en Irak. Mais je ne pense pas que cette bataille de Mossoul soit décisive : depuis plusieurs mois, l'EI semble résigné à la perte de cette ville et prépare "l'après", avec, notamment, le retour à des actions d'insurrection et de guérilla. Certes, l'Etat islamique va perdre des revenus considérables avec la taxe sur les habitants et les quelques puits de pétrole de la ville. Mais ce coup sévère a été anticipé.
La chute de la ville pourrait-elle avoir des répercussions en Occident ?
Oui, c'est probable. On observe que plus l'organisation recule sur son territoire, notamment en Irak, plus elle a tendance à accélérer les attaques à l'étranger. Dans l'Histoire, c'est un schéma classique : lorsqu'un pays ou une force perd une bataille, il y a toujours un sursaut ailleurs. C'est une manière de dissimuler le revers et de faire vivre la propagande. Cette dernière est d'ailleurs beaucoup moins fournie depuis quelques mois, sans doute à cause de la perte de personnalités importantes dans le processus de communication de l'EI : l'organisation a intérêt à la nourrir.
Quelle forme ces attaques pourraient-elles prendre ?
Pour ses actions à l'étranger, l'Etat islamique a trois manières de procéder différentes. La première consiste en des attaques menées par des cellules coordonnées, comme cela a été le cas le 13 novembre. Mais l'étau s'est resserré autour de ces groupes et cela semble plus improbable aujourd'hui. Ce qui risque de se produire à nouveau, ce sont des actions inspirées par l'Etat islamique, perpétrées par des Français qui ne se sont jamais rendus sur le territoire de l'organisation, comme à Saint-Etienne-du-Rouvray ou dans le cas du "commando" de femmes interpellées près de Paris. La troisième, ce sont les djihadistes qui reviennent sur le territoire après s'être entraînés en Irak ou en Syrie, susceptibles de mener des attaques individuelles.
La chute de la ville pourrait elle précipiter le retour de ces djihadistes ?
C'est difficile à dire à ce stade. S'ils ont pu être en Irak à d'autres moments, les Français présents sur le territoire de l'Etat islamique se trouvent plutôt en Syrie aujourd'hui, notamment à l'est d'Alep et autour de Raqqa, où les adversaires de l'EI ne sont pour l'instant pas encore coordonnés. Ce qui est certain, c'est que la réduction du territoire représente un coup dur pour la propagande de l'organisation : l'existence d'un État, c'était vendeur. Cependant, là encore, l'évolution a été anticipée : depuis plusieurs mois déjà, le discours était "ne venez plus, menez vos propres actions chez vous".
Offensive à Mossoul : "C'est la première phase...par Europe1fr