"C'est la maison rose, elle est là, à 200 mètres." Cette fameuse maison, c'est celle de Carlos Ghosn, à Beyrouth. Deux jours après la fuite de l'ancien patron de Renault-Nissan, qui a violé son assignation à résidence au Japon pour rejoindre le Liban, agents de sécurité, policiers et journalistes se pressent devant la villa. L'homme d'affaires, lui, est invisible. "Ils ne sont pas là, la maison est éteinte", certifie Maya, qui habite juste en face. Elle a bien essayé de regarder pour apercevoir le fuyard, en vain.
"Il est le bienvenu chez lui"
Quoi qu'il en soit, comme beaucoup de libanais, cette voisine est contente que Carlos Ghosn se soit "sauvé de cette injustice, de cet État de folie" qu'est le Japon et ses procédures judiciaires contestées. "Ce qui est important, c'est qu'il dorme, qu'il aille voir un avocat, qu'il ait un procès équitable, normal, juste." Derrière elle, un homme confirme, plein d'enthousiasme : "On est contents pour lui !"
Zaïna, qui elle aussi vit dans le quartier, imagine bien l'ancien patron automobile "dans les montagnes, à la neige". "Il est le bienvenu chez lui, dans son pays [Carlos Ghosn a la double nationalité franco-libanaise, NDLR]."
"C'est comme un film de James Bond"
Mais comment Carlos Ghosn a-t-il réussi à fuir le Japon, où il faisait face à quatre chefs d'inculpation, notamment de corruption ? Ici aussi, cette question est sur toutes les lèvres. "C'est comme un film de James Bond", s'amuse Zaïna. "Comment il est sorti ? Comment ça s'est passé ? Personne ne le sait. On était surpris de le savoir au Liban."
La seule chose qui est certaine, c'est que l'homme d'affaires a pu entrer légalement sur le territoire avec sa carte d'identité libanaise. Pour le reste, peut-être Carlos Ghosn lui-même apportera-t-il des éléments de réponse dans les prochains jours. Dans un court message, mardi, il avait expliqué qu'il "communiquerait librement avec les médias dès la semaine prochaine".
Ce que cela change dans la procédure judiciaire japonaise
Au Liban, Carlos Ghosn ne risque aucune poursuite : il n'existe pas d'accord d'extradition entre Beyrouth et Tokyo. Le Japon pourrait néanmoins lancer un mandat d'arrêt international qui entraverait ses déplacements à l'étranger. Côté japonais, cette fuite va forcément modifier la procédure en cours, voire la suspendre. Deux procès attendaient normalement l'ancien patron de Renault-Nissan en 2020.
Rien ne l'empêcherait de revenir en France. "Il est citoyen français et en droit, ce n'est pas un terroriste ni un criminel de guerre", rappelle Philippe Riès, journaliste qui écrit en ce moment un livre avec Carlos Ghosn. "S'il y avait une démarche japonaise, il faudrait à ce moment-là que le pays qui reçoit cette demande d'extradition se penche sérieusement, enfin, sur les conditions d'exercice de la justice au Japon."
L'homme d'affaires pourrait en revanche être entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Nanterre après avoir reçu un signalement concernant le mariage de Carlos Ghosn. Les images de la fastueuse cérémonie, au château de Versailles, en 2016, avaient fait le tour du web il y a quelques mois. Cérémonie qui, soupçonne la justice, n'a pas été payée par Carlos Ghosn mais par Renault.