La France a rapatrié mardi 10 femmes et 25 enfants qui étaient détenus dans les camps de prisonniers jihadistes dans le Nord-Est de la Syrie, une quatrième opération collective du genre en un an, dont les familles redoutent qu'elle soit la dernière.
"Les mineurs sont remis aux services chargés de l'aide sociale à l'enfance" et vont faire l'objet d'un suivi médico-social tandis que "les adultes sont remises aux autorités judiciaires compétentes", a précisé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Le parquet national antiterroriste a précisé dans un communiqué que sur les 10 femmes, âgées de 23 à 40 ans, 7 avaient été aussitôt placées en garde à vue en exécution d'un mandat de recherche et que les trois autres, visées par un mandat d'arrêt, seraient présentées dans la journée à un juge d'instruction en vue de leur mise en examen.
Par ailleurs, parmi les mineurs, une adolescente de 17 ans a également été placée en garde à vue. Les adultes françaises s'étaient rendues volontairement dans les territoires contrôlés par les groupes jihadistes en zone irako-syrienne et avaient été capturées au moment de la chute de l'organisation Etat islamique (EI) en 2019.
Tout adulte qui a rejoint la zone irako-syrienne et qui y est resté fait l'objet d'une procédure judiciaire. Il y a tout juste un an, la France a mis fin à la politique du "cas par cas", qui lui a valu d'être condamnée par des instances internationales et blâmées par des organismes consultatifs français.
Aux côtés de nombreuses femmes de diverses nationalités, ces ressortissantes françaises vivent dans les camps d'Al-Hol et de Roj contrôlés par les Kurdes, où la violence est endémique et les privations nombreuses.
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Crainte des attentats
Au total, 16 femmes et 35 enfants avaient ainsi été ramenés en France lors d'une première opération collective il y a un an, suivie en octobre du retour de 15 femmes et 40 enfants. En janvier, la France avait ensuite annoncé le rapatriement de 15 femmes et 32 enfants, quelques jours après avoir été condamnée par le Comité contre la torture de l'ONU.
La question de leur rapatriement est sensible dans de nombreux pays, particulièrement en France qui a été frappée par des attentats jihadistes, notamment en 2015, fomentés par l'EI. La France avait donc opté jusqu'à l'été 2022 pour le rapatriement ciblé, à savoir le retour d'enfants orphelins ou de mineurs dont les mères avaient accepté de renoncer à leurs droits parentaux.
Seuls une trentaine d'enfants présumés orphelins avaient ainsi été rapatriés par Paris, les derniers début 2021.
Début mars, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait réclamé le rapatriement des familles retenues dans le camp d'Al-Hol en Syrie, le qualifiant alors de "pire camp au monde", qui abrite des milliers de ressortissants étrangers. Le ministère français n'était pas en mesure de dire combien de femmes françaises et enfants sont encore détenus en Syrie.
Dernier rapatriement ?
Une source proche du dossier indiquait en mai à l'AFP qu'environ 80 Françaises toujours dans les camps ne voulaient "pas rentrer". Ce qui pose la question de l'éventuel rapatriement des enfants quand celles-ci sont mères.
"Il reste dans ces camps une centaine d'enfants qui ne connaissent que la fange, les barbelés et la violence", a affirmé mardi Marie Dosé, avocate de familles de femmes et d'enfants retenus dans les camps du Nord-Est syrien.
Selon elle, la France "a les moyens d'imposer le retour de ces enfants, qui peuvent tout à fait être conduits avec leurs mères au Kurdistan irakien en vue de leur expulsion vers la France, que ce retour soit ou non accepté par ces femmes".
Elle déplore la double peine pour des enfants "victimes (...) du choix de leurs parents d'abord, de celui de la France ensuite, qui a refusé de les rapatrier pendant cinq ans".
Selon le collectif des familles unies, des représentants du gouvernement français se sont rendus dans le camp Roj en mai, où ils se sont entretenus avec "toutes les femmes françaises". Ils "leur ont demandé si elles acceptaient ou non d'être rapatriées avec leurs enfants lors d'un rapatriement (...) présenté comme étant +le dernier+".
Le collectif, qui dénonce des conditions de vie "incompatibles avec le respect de la dignité humaine", exhorte le gouvernement à prendre "dès à présent toutes les mesures nécessaires pour rapatrier l'intégralité des enfants français détenus en Syrie, ainsi que leurs mères".