Ces révélations font d'ores et déjà scandale. Selon une enquête publiée dimanche dans plusieurs médias, dont Le Monde,The Guardian et The Washington Post, un service de sécurité marocain a utilisé un logiciel-espion mis au point par une société israélienne pour viser une trentaine de journalistes et de patrons de médias français. Invité lundi d'Europe 1, le journaliste du Monde Martin Untersinger a détaillé les éléments de cette enquête, et raconté comment cet espionnage mondial avait été découvert.
"Forbidden Stories, une organisation basée à Paris dédiée à la poursuite du travail de journalistes menacés, et Amnesty International, se sont procurés une liste de 50.000 numéros de téléphone présélectionnés par les clients de Pegasus en vue d'une éventuelle infection", explique Martin Untersinger. "On est parti de cette liste, on a contacté un maximum de gens qui étaient dessus, et on s'est rendu compte, en analysant leur téléphone, que dans une grande majorité de cas, le logiciel était présent ou avait été présent sur leur téléphone."
Un logiciel "détourné de son usage premier"
Concrètement, Pegasus est "un logiciel qui est capable de rentrer sur les téléphones Apple et Google, d'en extraire les photos, les messages, les contacts, et l'historique de navigation. Il est capable d'accéder à la caméra ou au micro", précise le journaliste du Monde, décrivant "un logiciel espion très sophistiqué et complètement invisible".
De son côté, NSO Group a démenti les allégations "mensongères" publiées dimanche. Déjà régulièrement accusée de faire le jeu de régimes autoritaires, la société israélienne a toujours assuré que son logiciel servait uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes. "Malgré les promesses que ce logiciel est utilisé pour lutter contre le crime et le terrorisme, en réalité, il est largement détourné de son usage premier et utilisé pour espionner des journalistes, des avocats, des membres de la société civile", dit Martin Untersinger.
"Des failles que personne ne connaît"
Interrogé sur NSO, Martin Untersinger indique que "le modèle économique de cette entreprise est de fournir à des États des moyens pour infecter les téléphones à distance, sans intervention de la part de la victime et le plus invisiblement possible". Pour cela, poursuit-il, "elle consacre quasiment l'intégralité de ses salariés à la recherche et au développement, soit les 2/3 de ses 700 salariés".
Ces derniers "cherchent dans les téléphones Apple et Android des failles que personne ne connaît, pas même Apple ou Google", conclut Martin Untersinger, "pour que, grâce à ces failles, ils puissent arriver à finalement faire entrer le logiciel dans les téléphones".