Quitter le confort d'un foyer pour plonger dans un terrain de guerre sous des températures pouvant descendre jusqu'à -30 degrés. Aujourd'hui, Adam*, un soldat français de retour d'Ukraine, ne regrette en rien son choix. Âgé de 30 ans, il a combattu pendant 19 mois aux côtés des soldats de Kiev, opposés aux troupes russes, venues envahir leur voisin. "Je n'ai pas hésité un seul moment. La principale raison qui m'a poussé à partir, c'est la défense des valeurs et de la démocratie", indique-t-il dans un puissant témoignage livré au micro d'Europe 1.
Au regard de la dureté des combats, Adam prend tout de même le temps de mûrir sa réflexion. "Beaucoup pensent que l'on part comme ça, sur un coup de tête. Mais c'est une réflexion qui est très poussée, il y a beaucoup de dangers et de risques à partir dans une aventure comme ça", concède-t-il. Happé par sa volonté de combattre pour les valeurs qu'il défend, cet ancien militaire arrête sa décision : il rejoindra une unité d'élite ukrainienne. Sur le front, Adam apporte une expertise bienvenue à ses frères d'armes.
"Il faut savoir tout faire soi-même"
"On apporte beaucoup de choses, car nous maîtrisons les armes de l'Otan que reçoit l'Ukraine. Kiev reçoit très peu de matériel de l'ex-Union soviétique. Les armes Otan, on est déjà formé dessus et on peut donc les utiliser rapidement", éclaire Adam, au micro d'Hélène Zelany. L'ex-militaire évoque également la débrouillardise et l'habileté des soldats français. Deux qualités indispensables sur un terrain de guerre aussi exigeant que l'Ukraine.
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Adam cite ainsi l'exemple d'un véhicule qui se retrouverait en panne au beau milieu du terrain. "Ce n'est pas comme dans l'armée française où vous appelez le support qui vient vous chercher. Là, c'est vraiment de la débrouillardise. Vous aurez un bout de scotch et les serflex et vous allez réparer des turbines qui sont cassées". Des compétences en mécanique sont également indispensables. "Si, à un moment donné, on tombe sur des mines et qu'on a quatre pneus sur deux pick-up qui tombent, on n'a pas de camion avec des pneus à l'arrière. Il faut donc savoir réparer un pneu ou, au moins, le faire tenir pour faire quelques kilomètres et sortir de là".
Et dans le cas où un soldat se trouverait blessé, "personne ne viendra vous chercher", assure Adam. "Il faut être capable d'exfiltrer soi-même les blessés". De façon générale, "il faut savoir tout faire soi-même". Le tout sous des températures parfois glaciales qui accentuent l'intensité de la guerre. "Quand nous étions à Bakhmout, on pouvait tomber à -20, -30 degrés. Et là, vous n'avez pas de chauffage, pas de couverture. C'est une guerre extrêmement intense, vous n'avez pas ce luxe de pouvoir transporter du matériel avec vous", décrit Adam. Et d'imager encore un peu plus la rudesse du quotidien. "Dans la journée, il va faire 0 degré, donc vous aurez chaud, mais la nuit, il va faire -30 degrés et, tout ce que vous aurez sur vous, sera plein de sueur. Donc, vous aurez froid, mais vous n'aurez rien pour vous recouvrir".
"Comme en 14-18"
Cette guerre en Ukraine présente d'ailleurs la particularité de mêler rusticité et modernité. Sur le front, les soldats n'ont d'autre choix que de s'adapter. "Aujourd'hui, on a besoin d'équipements modernes, notamment des drones qui permettent d'avoir une visibilité vraiment accrue. Mais on s'aperçoit qu'au final, pour se protéger de tout ce que vous trouvez sur un champ de bataille, le seul moyen qu'on a trouvé, c'est de creuser un trou de combat et de s'enterrer dedans. Comme en 14-18", témoigne Adam.
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Les soldats ukrainiens doivent aussi composer avec la nuée de drones ennemis qui défile au-dessus de leur tête. Dans ces cas-là, "honnêtement, il n'y a pas grand-chose à faire", avoue Adam. Si des fusils anti-drones pourront toujours écarter la menace d'un ou deux drones, ils ne pourront, en aucun cas, décimer l'ensemble de l'essaim. "Ce sont des drones civils qui ne coûtent presque rien. Donc, on va détruire X drones et il y en aura toujours plus qui vont revenir".
Une équation difficile à résoudre pour ces soldats ukrainiens qu'Adam a quittés depuis quelques mois. "Je suis retourné à ma vie civile. J'ai accompli tous les objectifs que je m'étais fixés", assure le trentenaire qui souhaitait aussi préserver son avenir. "Quand on part pour aider l'Ukraine, on n'a pas le statut de combattant. On ne cotise pas pour la retraite, on ne cotise pour rien. Théoriquement, sur des papiers, c'est des années que l'on perd. On ne peut pas partir indéfiniment", conclut-il.
*Le prénom a été modifié.