Le chef de l'influente Église catholique des Philippines a appelé dimanche à mettre fin au "gâchis de vies humaines" après une semaine particulièrement violente dans la guerre contre la drogue menée par le président Rodrigo Duterte. Les opérations antidrogue de la police ont fait au moins 76 morts, selon les autorités. Les défenseurs des droits et des parlementaires ont dénoncé "une série meurtrière alarmante".
Une opération d'épuration inspirée de la télé. Les raids font partie d'une campagne baptisée "One Time Big Time", un nom qui semble banaliser la situation et qui fait référence à une séquence éponyme d'une émission télévisée aujourd'hui défunte, regardée par des dizaines de millions de Philippins pauvres. Dans cette séquence, sorte de "Roue de la fortune" à la philippine, les candidats pouvaient gagner d'énormes sommes d'argent.
Plus de 3.500 morts. En 14 mois, la police a confirmé avoir abattu plus de 3.500 personnes qualifiées officiellement de "personnalités de la drogue", affirmant agir en état de légitime défense. Des inconnus ont tué au moins 2.000 suspects dans des affaires de drogue. Des milliers d'autres personnes ont été abattues dans des circonstances non élucidées, selon les chiffres de la police. Ces statistiques macabres ont connu un pic soudain cette semaine. Lorsque 32 personnes ont été abattues par les policiers lundi dans une seule province, le président Duterte a demandé à leurs collègues de les imiter. Après cet appel, au moins 44 personnes ont été tuées dans différentes localités, y compris un adolescent de 17 ans jeudi dont la mort a scandalisé le pays.
"Arrêter de gâcher des vies humaines". Le cardinal de Manille Luis Tagle, personnage le plus influent de l'Église catholique de l'archipel, où plus de 80% des habitants sont catholiques, a exprimé dimanche ses inquiétudes face à l'augmentation du nombre de morts. "Nous interpellons les consciences de ceux qui tuent jusqu'aux gens sans défense, en particulier ceux qui recouvrent leur visage de cagoules, pour leur demander d'arrêter de gâcher des vies humaines", a dit le cardinal Tagle dans un communiqué lu dans toutes les églises de la capitale pendant la messe. "Le problème de la drogue illégale ne doit pas être réduit à un problème politique ou criminel. C'est un problème humanitaire qui nous concerne tous".
Rodrigo Duterte avait remporté la présidentielle de 2016 après une campagne sécuritaire outrancière. Il s'était engagé à éradiquer le trafic de drogue dans les six mois au moyen d'une campagne dans laquelle des dizaines de milliers de trafiquants et de toxicomanes présumés seraient abattus. L'Église catholique, l'une des institutions les plus anciennes et les plus puissantes de l'archipel, est l'une des rares voix à s'élever pour dénoncer les meurtres alors que les sondages montrent que le président jouit d'une très forte popularité.