Le gouvernement ultra-catholique et nationaliste polonais souhaitait restreindre l'avortement, c'est désormais chose faite. Dans un pays où les conditions d'accès à l'avortement sont déjà parmi les plus restrictives de l'UE, le Tribunal constitutionnel a considéré que la législation existante autorisant l'avortement de fœtus mal formés était "incompatible" avec la Constitution du pays. Cette nouvelle restriction a fait descendre des milliers de Polonais et de Polonaises dans la rue.
Une restriction qui met en danger les femmes
Dans les textes la pratique de l'interruption volontaire de grossesse reste autorisée, mais il ne sera désormais possible d'avorter que dans trois cas : en cas de viol, d'inceste, ou si la grossesse présente un risque pour la santé de la mère. Ces cas particuliers ne représentent que 2% des avortements pratiqués de manière légale selon la Fédération pour les femmes et le planning familial (Federa). En 2019, il n'y en a eu que 1.100 recensées dans un pays de 38 millions d'habitants, où la pratique religieuse catholique est très prononcé. Avant cette décision, 98 % des IVG légales étaient justifiés par des motifs de malformations.
En revanche, les femmes polonaises avaient déjà massivement recours à l'avortement dans la clandestinité : près de 200.000 sont pratiqués chaque année d'après les ONG. "Une femme qui veut avorter le fera de toute façon", a prévenu la directrice de la Federa. Krystyna Kacpura explique que "les conditions sanitaires dans lesquelles elles vont avorter dépendent de leur portefeuille. Si elles ont de l'argent, elle peuvent aller à l'étranger et avorter en toute sécurité mais sinon elle le feront dans des conditions dangereuses. Et on a peur pour la santé et surtout pour la vie de ces femmes en Pologne".
Seuls 10% de la population favorable à cette restriction
Dès jeudi, des groupes de femmes sont descendues dans la rue un peu partout pour protester contre cette mesure. Certaines se sont fait arrêter. Et vendredi soir, des milliers de Polonaises et Polonais sont sortis dans les rues de différentes villes à travers le pays. "C'est la guerre", "Sadiques, on vient vous chercher", proclamaient les appels à manifester, zébrés d'un éclair rouge symbolique, et les pancartes brandies par les manifestants. En Pologne les derniers sondages montraient qu'il n'y avait que 10% des habitants favorables à une nouvelle restriction du droit à l'avortement voulu par le gouvernement.
Cette décision est a priori définitive, mais elle est contestée par l'opposition libérale et des organisations de défense des droits des femmes. Plusieurs personnalités de l'Union européenne comme la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic et Donald Tusk ont dénoncé ces nouvelles restrictions. Le gouvernement au pouvoir, le parti ultra-catholique nationaliste au pouvoir, Droit et Justice (PiS), ainsi que l'épiscopat se sont, eux, satisfaits de cette décision de justice. "Les opinions du président (Andrzej Duda) en cette matière sont bien connues et n'ont pas changé. Nous exprimons notre satisfaction que le Tribunal constitutionnel se soit positionné du côté de la vie", a déclaré le porte-parole du chef de l'Etat Blazej Spychalski, cité par l'agence PAP.