En politique, il faut savoir se faire rassembleur pour l’emporter. Andrzej Duda a parfaitement su appliquer cette maxime pour vaincre son adversaire, le président sortant Bronislaw Komorowski, dimanche. Sous l’étiquette du parti populiste classé à droite Droit et Justice (PiS), Andrzej Duda, pourtant donné largement perdant à quelques semaines du scrutin, a su remonter la pente, s’attirant la sympathie des catholiques les plus intégristes du pays, mais aussi des partisans du mouvement Solidarnosc, resté très influent en Pologne aujourd’hui.
Scout et enfant de chœur. Andrzej Duda avait bien besoin de tels appuis. Et pour cause, ce politicien de 43 ans ne pouvait pas s’appuyer sur les atouts nécessaires pour briller sur la scène politique polonaise. Il n’a pas de passé d’opposant au soviétisme, pas d’engagement de jeunesse à mettre en avant. C’est pourquoi, comme l’explique la correspondante de France Culture à Varsovie, il souligne dans sa biographie officielle son parcours de scout et d’enfant de chœur, et les qualités qui y sont traditionnellement associées : discipline et droiture. Des qualités qui ont fait mouche auprès des Polonais selon l’envoyé spécial du Monde sur place, pour qui son côté "gendre idéal" lui a permis de l’emporter. Pour le reste, le parcours politique de Duda est assez récent. Etudiant en droit à l’université de Cracovie, il a d’abord fait ses armes en tant que technocrate. Avant de grandir dans le sillage des frères jumeaux Kaczynski, les deux fondateurs du parti Doit et Justice, dont Duda fait aujourd’hui partie.
Promesses populistes. Si Lech Kaczynski, président de la République à l’époque, est mort dans l’accident d’avion de Smolensk qui avait endeuillé la Pologne en 2010, son frère Jaroslaw lui, est toujours aux manettes du PiS. Il reste un modèle pour Andrzej Duda, qui voit en lui "un homme politique éminent, souvent dénigré mais capable à chaque fois de se relever. Il y a en Pologne très peu d’hommes aussi forts et déterminés que lui". Pour se hisser jusqu’au poste de président de la République, Anrzej Duda a donc appliqué les recettes qui avaient fait le succès des frères Kaczynski : hostile à l’entrée dans l’euro, partisan d’un abaissement de l’âge légal de départ à la retraite et surtout défense ardente des positions de l’Eglise polonaise, dont il est un membre actif. Andrzej Duda est donc opposé à la fécondation in vitro et à la ratification de la Convention européenne sur la violence domestique.
Soutien de Solidarnosc. Pour renverser une tendance qui lui était défavorable, Andrzej Duda s’est donc appuyé sur un électorat catholique voire traditionaliste, n’hésitant pas par exemple à prononcer un discours depuis une chaire d’Eglise. Deuxième étape indispensable pour remporter cette victoire, un rapprochement avec la puissante confédération syndicale Solidarnosc, encore très influente en Pologne. Coïncidence surprenante, le leader de Solidarnosc s’appelle Piotr Duda. Contre la promesse d’interdire un type de contrats de travail surnommés "contrats-poubelles", Andrzej a donc convaincu Piotr d’afficher sa préférence pour lui. Un soutien non négligeable puisque Solidarnosc compte 700.000 sympathisants dans le pays.
Un tremplin pour Kaczynski, futur Premier ministre ? Avec Andrzej Duda, la Pologne revient donc dans le giron du PiS. Mais cette victoire n’est pas encore décisive pour le parti Droit et Justice, puisque le système politique polonais attribue le vrai pouvoir exécutif au Premier ministre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des candidats à l’élection présidentielle n’étaient pas des cadors de la scène politique polonaise. Et c’est sans surprise le président du PiS, Jaroslaw Kaczynski, resté très discret lors de la présidentielle, qui devrait briguer le poste lors des législatives qui se tiendront à l’automne prochain.