En Pologne, les droits des femmes célébrés sous haute surveillance policière
A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, des manifestantes polonaises se sont rassemblées à Varsovie pour dénoncer les restrictions à l'avortement dans leur pays. Europe 1 s'est rendu sur place pour constater le courage de ces femmes malgré les intimidations des forces de l'ordre.
"Moje ciało, moja sprawa." Au pied de l'immense Palais de la culture et de la science de Varsovie, en Pologne , quelques dizaines de manifestantes chantent leur colère en ce 8 mars. "Mon corps, mon affaire", répètent-elles afin de protester contre les restrictions à l'avortement, les discriminations et les violences envers les femmes, comme de nombreuses manifestantes partout dans le monde en cette journée internationale des droits des femmes. Mais ici, en Pologne, le combat est peut-être encore plus acharné qu'ailleurs en Europe, alors que la coalition de droite ultra-conservatrice au pouvoir pousse depuis plusieurs mois pour restreindre le droit à l'avortement dans le pays .
Le combat est d'autant plus difficile qu'exprimer une opinion défavorable au gouvernement n'est pas chose aisée en Pologne. En ce 8 mars, la manifestation dans la capitale est organisée clandestinement. Et malgré l'effort des manifestantes pour tenir le lieu secret au maximum jusqu'au dernier moment, des centaines de policiers armés surveillent le rassemblement.
De nombreux camions de police étaient stationnés devant le Palais de la culture et de la science de Varsovie le 8 mars. Crédit photo : Jean-Rémi Baudot/Europe 1
"Ce n'est pas au gouvernement autoritaire de nous imposer le choix"
"Myślę, czuję, decyduję", chante Katarzyna quelques mètres plus loin. "Je pense, je sens, je décide", explique-t-elle au micro d'Europe 1. "Nous sommes des êtres humains qui ont le droit de décider de nous-mêmes. La dignité, c'est d’avoir le choix. Ce n'est pas au gouvernement autoritaire de nous imposer le choix."
Pour expliquer la présence policière particulièrement importante dans la capitale, les autorités ont mis en avant les mesures pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Mais les Polonaises descendues dans la rue dénoncent, elles, des restrictions de leurs libertés fondamentales. La police semble présente partout et réclame l’identité de celles et ceux qui brandissent des panneaux hostiles au gouvernement. "Beaucoup de mes amis ont arrêté de venir (…) Ils essaient de nous terroriser", raconte Diana, masque avec un éclair rouge sur la bouche, le symbole des militants pro-avortement.
La police a demandé l'identité de certaines manifestantes à Varsovie à l'occasion du 8 mars. Crédit photo : Jean-Rémi Baudot/Europe 1
Une des organisatrices du mouvement appelé "La grève des femmes", Marta Lempart, confirme les intimidations évoquées par Diana. "Les gens sont harcelés, réprimés, poursuivis en justice, voire battus et gazés. Cette répression politique touche des milliers de gens. On est plus forts que ça mais certains n’ont désormais plus le courage de descendre dans la rue car ils ont peur des violences de la police. C’est pour ça que tous ceux qui manifestent comptent encore plus", estime-t-elle. Elle-même est poursuivie par les autorités polonaises à cause d'une manifestation effectuée pendant l'épidémie de Covid-19. Elle risque huit ans de prison.
Cette politique répressive pourrait laisser des traces sur le long terme. Une partie de la population affirme désormais ne plus avoir confiance en la police. Et une défiance existe envers la très puissante Eglise polonaise et le parti au pouvoir, le PiS. Pour beaucoup de manifestantes rencontrées par Europe 1, la seule issue pour sortir de cette crise est le départ du gouvernement.