C'est un phénomène très récent. Cet été, le flux de migrants arrivés sur les côtes italiennes a chuté de manière assez considérable. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur italien, que s'est procuré Europe 1, le flux est moitié moins important que l'an dernier à la même période. En juillet, le ministère a comptabilisé 13.500 arrivées contre 30.500 en juillet 2016. Certains jours d'août, aucun débarquement ne s'est produit. Or cela n'était pas arrivé depuis des années.
Conséquence du cessez-le-feu. Un constat qui s'explique notamment par l'interdiction faite aux bateaux des ONG d'entrer dans les eaux territoriales libyennes, qui est maintenant vraiment effective. Les gardes côtes libyens ont été formés et équipés par les Européens. Mais c'est surtout le résultat d’une stabilisation de la situation militaire en Libye et, partiellement, une conséquence de l’accord obtenu à Paris par le président Macron, qui a permis d’instaurer un cessez-le-feu entre le Premier ministre et le chef des armées en rébellion.
Des troupes disponibles. Les deux hommes ont enfin arrêté de se faire la guerre. Leurs troupes sont donc désormais disponibles et, comme cela était prévu dans l’accord de Paris, elles ont commencé à s’attaquer aux trafiquants qui organisent les filières de migrants. Elles visent particulièrement les réseaux qui sont entre les mains des milices islamistes.
Un comité de vigilance. C'est le cas par exemple à Sabratha, un bastion de l’Etat islamique et l'un des principaux ports utilisé par les passeurs pour embarquer les migrants vers l’Europe. Il a été repris aux djihadistes avec un appui militaire occidental et est désormais sous contrôle d’un groupe armé local, la brigade 48. Alliée aux forces gouvernementales, elle a mis en place un réseau de surveillance tout au long des plages. Elle agit comme une sorte de comité de vigilance qui dénonce aux gardes côtes les bateaux des trafiquants qui prennent la mer. Ainsi, les embarcations sont beaucoup plus fréquemment interceptées et les migrants, eux, sont ramenés en Libye vers un centre de détention qui a été ouvert dans la ville de Sabratha et qui est géré par les autorités locales.
" On voit se développer en Libye depuis quelques mois un système de kidnapping "
Intenable selon les ONG. Selon les ONG, la situation n'en est pas moins désespérée. Elles déplorent que l'on puisse abandonner les migrants à leur sort, soit en les laissant mourir en mer, soit en les condamnant à rester dans "l'enfer libyen", selon leurs propres mots. Aujourd'hui, une partie des migrants récupérés par les autorités libyennes sont envoyés dans des centres de rétention. Là-bas, ils subissent des violences quotidiennes, assurent les ONG.
Exploités et torturés. Les autres migrants qui n'ont pas encore pris la mer sont pour leur part bloqués en Libye sous la coupe de trafiquants, des criminels qui les exploitent, et les torturent. "La majorité des migrants vivent sous la coupe de réseaux de trafiquants d'êtres humains, ils sont exploités économiquement, ils sont violentés", constate Jean-Guy Vatteaux, directeur des opérations Médecin sans frontière (MSF) en Libye. "On voit se développer en Libye depuis quelques mois un système de kidnapping. Les migrants, en plus d'être exploités, sont torturés jusqu'à ce que leurs familles payent une rançon depuis leur pays d'origine. La moitié des patients que l'on voit sont sévèrement dénutris ou ont des traces de coups ou de brûlures".
Un sommet sur la question lundi. Les dirigeants européens ont bien conscience de cette situation dramatique. Ils vont d’ailleurs aborder la question à Paris, dès lundi, lors d’un sommet auquel sont invité les chefs d’États libyen, tchadien et nigérien. Leur idée : travailler à stabiliser les flux très en amont, avant même que les migrants arrivent en Libye.