Pourquoi l'exécution d'un ex-grand patron dit beaucoup du durcissement du régime chinois

Lai Xiaomin
Lai Xiaomin a été exécuté vendredi matin, a annoncé la télévision publique chinoise. © AFP
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Didier François
L'annonce de l'exécution de Lai Xiaomin, ancien patron d'un fonds d'investissement chinois, accusé d'avoir touché des pots-de-vin, marque une nouvelle étape dans la volonté de Xi Jinping de s'assurer un contrôle absolu sur l'ensemble des activités du pays. Là où la politique "anti-corruption" ne visait jusque-là que de hauts dignitaires de l'appareil politique ou sécuritaire, elle cible désormais les hommes d'affaires. 
ANALYSE

C'est une sentence inhabituelle à l'encontre d'un haut dirigeant économique en Chine. Lai Xiaomin, ancien patron d'un fonds d'investissement, accusé d'avoir touché pour plus de 215 millions d'euros de pots-de-vin, a été exécuté vendredi matin, a annoncé la télévision publique. Il avait également été reconnu coupable de "polygamie", selon les autorités nationales chinoises. Au-delà de ce chef d'accusation, cette exécution, la première depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir, est un signal tout à fait inquiétant. Le dirigeant franchit ainsi une nouvelle étape dans sa lutte pour s’assurer un contrôle absolu sur l’ensemble des activités du pays, et tout particulièrement sur son secteur économique. 

Des peines qui ne frappaient que de hauts dignitaires politiques

L'argument de la lutte contre la corruption a toujours été l’une des armes favorites de Xi Jinping pour affermir son emprise sur le Parti communiste chinois (PCC), d’abord, puis sur l’appareil d’Etat. Le président a lancé sa campagne anticorruption dès qu’il a été nommé Secrétaire général du PCC, ce qui lui a permis d’écarter tous ses concurrents, mais également les membres du parti considérés comme de soutiens un peu trop tièdes. 

Depuis, ils sont plus d’un million et demi à avoir été condamnés lourdement par la justice pour des charges de malversation. Il y a même déjà eu des peines de mort, prononcées et exécutées. Mais jusqu’à présent, elles ne frappaient que des hauts dignitaires de l’appareil politique ou sécuritaire, et pas les hommes d’affaires.

C’est cela qui est nouveau : depuis le moins de septembre dernier, la campagne anticorruption cible directement les dirigeants des plus grands groupes privés chinois. Le cas le plus symbolique a été la disparition de Jack Ma, fondateur d’Alibaba, le plus grand groupe de commerce en ligne au monde. Richissime, ultra-puissant et très lié au régime, il s'est cru permis de critiquer ses orientations en matière de prêts bancaires. C’était le 24 octobre, à Shangaï. Personne ne l'a revu en public pendant 90 jours, avant qu'il ne réapparaisse sur une courte vidéo en ligne, à la mi-janvier. Il semblait y lire un texte et les images ne permettaient pas de savoir où il se trouvait.

Derrière la lutte contre la corruption, celle contre la critique

La corruption existe bien en Chine, elle y fonctionne même comme un système, à l'image des pots-de-vin accumulés par Lai Xiaomin pendant des années sans connaître la disgrâce, car il savait se taire et redistribuer. Mais ce que le pouvoir communiste cherche à neutraliser, ce n'est pas cette corruption, mais bel et bien la critique.

Et la liste des condamnations est longue : Ren Zhiqiang, fils de ministre et magnat de l’immobilier, 18 ans de prison pour corruption après avoir questionné dans un article la gestion de la crise sanitaire du coronavirus. Li Huaiqing, banquier, 20 ans de prison pour fraude et subversion après avoir soutenu des mineurs de charbons touchés par une grave maladie des poumons dues à leurs conditions de travail. Geng Xiaonan, grande éditrice, détenue sans procès pour opération commerciale illégale après avoir soutenu financièrement des auteurs dissidents. Ou encore Sun Dawu, gigantesque producteur de poulet et de cochons, arrêté pour avoir alerté les autorités sur une épidémie de fièvre porcine. 

Des exemples qu’il est bon de garder à l’esprit, quand l’Europe semble croire qu’on pourrait commercer normalement avec la Chine.