Un des avocats de l'oligarque kazakh Patokh Chodiev, l'ex-ministre belge Armand De Decker, a été mis en examen pour trafic d'influence dans l'enquête belge sur le scandale du "Kazakhgate", portant sur des soupçons de corruption en marge de contrats commerciaux entre la France et le Kazakhstan. Il s'agit de la première mise en examen en Belgique, parallèlement à l'instruction française qui a déjà débouché sur plusieurs mises en examen à Paris.
L'ex-ministre et actuel député libéral bruxellois Armand De Decker est soupçonné d'avoir voulu, en 2011, "faciliter l'octroi d'une procédure transactionnelle" en faveur de Patokh Chodiev, selon un communiqué du parquet général de Mons. "Le magistrat instructeur (lui) a adressé un courrier lui notifiant son inculpation en l'espèce, du chef de trafic d'influence", ajoute le communiqué. L'intervention politique qui lui est reprochée s'est produite "à une date indéterminée entre février 2011 et avril 2011", est-il précisé.
Une loi belge pour mettre fin à des poursuites. À l'époque, Armand De Decker venait de rejoindre l'équipe d'avocats chargée de défendre un trio d'oligarques kazakhs (dont Patokh Chodiev) mêlé à une affaire de corruption en Belgique. Il était aussi tout juste ex-président du Sénat et aurait fait valoir ses fonctions politiques auprès du ministre de la Justice au bénéfice de ses clients. De fait, le travail des avocats avait abouti en avril 2011 à l'adoption par le Parlement belge d'une loi élargissant le champ d'application des "transactions pénales" mettant fin aux poursuites visant le trio.
Une amende 23 millions d'euros pour échapper à un procès. En juin 2011, Patokh Chodiev avait réglé, pour lui et ses deux associés également poursuivis, une amende de 23 millions d'euros qui a leur a permis d'échapper à un procès. Armand De Decker n'est pas mis en cause pour une possible intervention "durant le processus d'élaboration de la loi", a tenu à préciser le parquet de Mons. En toile de fond il y avait à l'époque la volonté de la France, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, de soigner ses relations avec le Kazakhstan pour conclure de gros contrats commerciaux (hélicoptères, matériel ferroviaire, etc.) bénéficiant à des multinationales françaises.
La DGSI instrumentalisée ? L'Élysée, comme l'avait admis l'ex-ministre Claude Guéant en 2017 devant une commission d'enquête parlementaire belge, était intervenue pour aider ce trio kazakh à constituer sa défense. À Paris, dans une enquête judiciaire ouverte en mars 2013, plusieurs personnes ont été mises en examen, notamment pour corruption d'agent public étranger: un ex-conseiller à l'Élysée, Jean-François Étienne des Rosaies, l'ex-sénateur Aymeri de Montesquiou et Catherine Degoul, ancienne avocate de Patokh Chodiev. En avril 2017, la justice française a étendu ses investigations sur une possible instrumentalisation des services secrets intérieurs français (DGSI) et belge (Sûreté de l'État) au profit de Patokh Chodiev.