Le démographe Emmanuel Todd estime que Donald Trump a su s'imposer comme un président important. 2:25
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Séverine Mermilliod
Le démographe et historien Emmanuel Todd a estimé samedi sur Europe 1 que le président américain Donald Trump allait laisser une trace dans l'Histoire. C'est notamment son hostilité à l'égard de la Chine qui a influencé le reste du monde.
INTERVIEW

Auteur d'Après l'Empire et d'Après la démocratie, Emmanuel Todd, démographe et historien français, était l'invité d'Europe 1 samedi. Il considère, un peu à contre-courant, que Donald Trump, qu'il soit réélu ou non à la présidence des Etats-Unis, n'aura pas été qu'une parenthèse mais un "président vraiment important" qui va laisser derrière lui un héritage politique. L'isolationnisme, le protectionnisme qu'il a remis au goût du jour aux Etats-Unis, est en fait selon lui hérité d'Obama. Mais l'hostilité envers la Chine qu'il a "dramatisée" va selon lui se poursuivre.

"Sa grande victoire, c'est la Chine"

"Trump, dans le rapport au monde extérieur, a formalisé et dramatisé un tournant qui avait été pris dès Obama. Les premières mesures protectionnistes pour les commandes de l'Etat, le désengagement de l'Europe, le basculement vers le Pacifique et la Chine de la politique extérieure...", détaille Emmanuel Todd, qui note toutefois qu'"Obama n'avait pas eu le courage de Trump de se désengager du Moyen-Orient". Selon lui, "dans beaucoup de dimensions, Trump est un Obama en plus décidé et je ne crois pas que tout ça va disparaître".

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D'autant plus que d'après l'historien, les démocrates "se sont tellement définis par un pur anti-trumpisme qu'ils n'ont pas beaucoup de substance. Moi, je pense que bien des orientations dramatisées par Trump vont rester". Parmi ces orientations, son "combat" contre la montée en puissance de la Chine. 

En 2016, rappelle Emmanuel Todd, Trump parlait déjà "de cette Amérique où le taux de mortalité augmentait chez les Blancs de 45 à 54 ans avec une industrie périclitant sous la concurrence chinoise. Et c'était le bon diagnostic". Ainsi, "sa grande victoire, je pense, c'est la Chine, parce qu'il est entré dans le débat avec une violente hostilité de nature commerciale à l'égard de ce pays" qui selon lui "a détruit des emplois américains, et est derrière les hausses de mortalité en question - ça a été écrit, démontré dans des papiers", soutient l'historien.

Le rapport à la Chine "va structurer la politique mondiale pendant des années"

Cette attitude "anti-Chine" s'est depuis largement démocratisée. "Trump a été finalement rejoint par l'establishment géopolitique américain, qui s'est aperçu que la Chine était une menace en termes de puissance et donc finalement l'hostilité à la Chine ou la perception de la Chine comme un adversaire principal est devenue transpartisane". Tant est si bien qu'aujourd'hui, la tendance est mondiale, dit-il. "La Chine apparaît, hors des États-Unis, en Europe et partout, comme une menace totalitaire. Le rapport à la Chine est la chose qui va structurer la politique mondiale pendant des années. Et c'est Trump qui a accepté et dramatisé ce fait".

Ainsi, conclut Emmanuel Todd, sans aller "jusqu'à dire - le style l'empêche -, qu'il aura été un grand président", Trump aura toutefois été "un président vraiment important, oui".