Le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a dit sa "confiance dans une victoire de la démocratie" en votant dimanche matin peu après son rival, le président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro, pour le second tour de l'élection présidentielle au Brésil dont les résultats s'annoncent serrés. Chemise blanche à manches longues, Lula, 77 ans, qui a voté à Sao Bernardo do Campo, la ville du sud-est où il a fait ses débuts en tant que dirigeant syndical, a dit espérer que l'issue de ce scrutin, dont il est le favori, permettra "de restaurer la paix entre les Brésiliens", à l'issue d'une campagne ultra-polarisée.
Jair Bolsonaro, 67 ans, se disant lui aussi sûr de sa victoire, a été parmi les premiers des 156 millions d'électeurs à voter dès l'ouverture à 08H00 (11H00 GMT), dans le quartier Vila militar de Rio de Janeiro. "Si Dieu le veut on va gagner ce soir. Ou mieux encore, le Brésil sera victorieux ce soir", a déclaré le président, très souriant, vêtu d'un t-shirt avec l'inscription "Brésil" jaune et vert, aux couleurs du drapeau du Brésil affectionné par les bolsonaristes.
La campagne entre les deux hommes que tout oppose s'est déroulée dans un climat brutal et ultra-polarisé qui les a vus s'insulter copieusement pendant que les réseaux sociaux charriaient des torrents de désinformation. "Je pense que c'est le meilleur gouvernement que le Brésil ait jamais eu", a déclaré une avocate afro-brésilienne, Eliane de Oliveira, 61 ans, qui a voté pour Bolsonaro à Copacabana, à Rio de Janeiro.
Un vote serré
Près de la célèbre plage, Gustavo Souza, professeur d'éducation physique, a lui voté pour Lula, dont il espère qu'il "améliorera la vie de nombreuses personnes". Il se dit nerveux et "un peu effrayé" dans l'attente du résultat. "Les gens sont devenus si radicaux", souffle-t-il. À Sao Paulo, Marcelo Silveira Curi, un psychologue de 35 ans, a aussi voté Lula, même s'il "n'est pas le candidat idéal", en raison de tous "les reculs sur le plan économique et social" sous Bolsonaro.
Pour Nadia Faraj, diplômée sans emploi de 61 ans qui vote dans la capitale Brasilia, "c'est un moment décisif pour le pays" qui a "besoin de Bolsonaro". Si les sondages prédisent depuis des mois un troisième mandat de quatre ans à Luiz Inacio Lula da Silva après ceux de 2003 à 2010, Jair Bolsonaro, peut encore y croire.
Selon l'ultime enquête Datafolha samedi soir, l'écart s'est resserré, avec une victoire de Lula à 52%/48%. La marge d'erreur est de 2 points et les sondages avaient lourdement sous-estimé le score de Bolsonaro au 1er tour (43% contre 48% pour Lula). L'enjeu majeur de l'entre-deux tours a été la chasse aux 32 millions d'abstentionnistes du 1er tour (21%). Lula n'a obtenu que six millions de voix d'avance le 2 octobre. "C'est bien plus serré que quiconque l'aurait cru", dit à l'AFP Brian Winter, rédacteur en chef de Americas Quarterly, "ça va être une élection pleine de confusion".
Bolsonaro acceptera-t-il le résultat s'il est le premier président se représentant à un second mandat à ne pas être réélu depuis le retour à la démocratie en 1985 ? Après avoir lancé des attaques incessantes contre le système "frauduleux" des urnes électroniques, il a affirmé vendredi: "celui qui a le plus de voix gagne. C'est la démocratie", sans convaincre.
Une campagne décisive
"Bolsonaro va remettre en question le résultat", estime Rogerio Dultra dos Santos, de l'Université fédérale de Fluminense. Beaucoup craignent une réplique brésilienne de l'assaut du Capitole après la défaite de Donald Trump qui pourrait viser par exemple la Cour suprême si souvent vilipendée par Bolsonaro. L'ex-capitaine peut compter sur "l'appui de ses électeurs les plus radicalisés (...) et provoquer des troubles", selon l'analyste, qui voit mal toutefois les forces armées s'aventurer dans un coup de force et souligne que les institutions démocratiques sont solides.
Lula, ancien métallo au destin hors norme, qui a connu la disgrâce de la prison (2018-2019) puis l'annulation de ses condamnations pour corruption, a dit espérer que Bolsonaro "reconnaîtra le résultat" s'il perd. Les réseaux sociaux - unique source d'information de la majorité des 170 millions d'utilisateurs brésiliens - ont véhiculé une masse inédite de fausses informations.
Avec cette sale campagne, les véritables préoccupations de la population ont été négligées: inflation, chômage, pauvreté ou faim, dont souffrent 33 millions de Brésiliens. Les bureaux fermeront à 17H00 (20H00 GMT), 12 gouverneurs d'États brésiliens seront également élus, et le nom du président de l'immense pays aux 215 millions d'habitants sera connu avant 20H00 (23H00 GMT).