Après des mois de procédure, le procès en destitution de Donald Trump s’ouvre mardi au Sénat à Washington. Les avocats du chef de l’Etat et sept démocrates feront face à cent sénateurs, qui serviront de jurés. C’est la troisième fois qu’un président des Etats-Unis passe par une telle procédure. En 1999, Bill Clinton est jugé pour avoir menti dans le cadre de son histoire extraconjugale avec une stagiaire, Monica Lewinsky. Leah Pisar était sa conseillère à l'époque et elle réagit mardi sur Europe 1 à l’ouverture du procès de Donald Trump.
"Les preuves sont accablantes"
"C’est le troisième président des Etats-Unis visé par ce type de procédure, sauf que cette fois c’est vraiment légitime. On a affaire à un sujet et à des accusations très sérieuses", explique la conseillère. Si l’acquittement semble inévitable au sein d’un Sénat à majorité républicaine, pour l’ex-conseillère de Bill Clinton, le procès pourrait tout de même marquer l’opinion publique. "Les preuves sont accablantes", souligne Leah Pisar. "L’opinion publique n’est pas bête, elle va quand même percevoir et tirer des conclusions."
Une tache indélébile dans le bilan du président des Etats-Unis ? "Il y a tellement de tâche, que cela crée une espèce de flou", se désole l’ancienne fonctionnaire américaine. "C’est un génie du flou, du changement de sujet. Ce procès restera dans l’Histoire mais Donald Trump s’en moque éperdument. Il ne respecte pas les institutions, il ne les connait pas, il ne les a jamais étudiées. Il n’a jamais évolué dans ce système."
"Sa stratégie est à la fois brillante et efficace"
Le milliardaire républicain est sous le coup d’une procédure d’impeachment dans le cadre de l'affaire ukrainienne. Il est accusé d’avoir demandé à son homologue d’enquêter sur son rival démocrate, Joe Biden, conditionnant une aide militaire cruciale pour Kiev à cette investigation. Pour les républicains, ces accusations sont infondées. "Sa stratégie est à la fois brillante et efficace. Il en va de sa survie. S’il coopère il est cuit, s'il suit les règles traditionnelles, il finira comme Nixon qui a démissionné", analyse Leah Pisar. "On se demande presque pourquoi Nixon a démissionné, pourquoi il n’a pas fait comme Trump ?"
Donald Trump est aussi candidat à sa réélection, en novembre prochain. Un tel procès ne devrait cependant pas entraver sa campagne présidentielle. "Cela devrait avoir un impact, mais plusieurs choses ont changé. Trump est un génie de la communication. Sa base électorale ne le lâche pas, ni ses alliés au Sénat. Personne ne se présente contre lui à la primaire, il a un accès immense aux médias", décrypte Leah Pisar. "Mitch McConnell [chef de file des Républicains au sénat, ndlr] et son équipe ne le laisseront pas tomber."
La mort du général iranien : un moyen de détourner l'attention
Entre ce procès et la procédure visant Bill Clinton en 1999, l'ex-conseillère se permet un parallèle. "En 1998, au moment où rapport de Kenneth Starr, actuellement avocat de Trump, était publié, Al Qaida attaquait deux ambassades au Kenya et en Tanzanie. Clinton avait ordonné des frappes contre Ben Laden. Mais à l'époque, personne ne savait qui c'était, et les Républicains ont accusé le président de détourner l'attention du public. Je peux vous assurer que ce n'était pas le cas", raconte Leah Pisar, fonctionnaire du Département d'Etat. "Des années plus tard, Donald Trump fait assassiner, il y a quelques semaines, un général iranien, Qassem Soleimani. Là je vois un parallèle car cela a détourné l'attention. On a un Donald Trump qui se dépeint en super héros militaire, qui doit rester aux commandes."
Adam Schiff, qui préside la commission du Renseignement à la Chambre, fera fonction de procureur en chef pour ce procès. D'après Leah Pisar, il a reconnu que les agences de renseignements ne divulguaient pas certaines informations sur l'Ukraine pour ne pas déclencher la fureur de Donald Trump. "Cette auto-censure est effrayante. On ne reconnaît plus les Etats-Unis. C'est une démocratie qui se transforme quasiment en dictature, car il n'y a plus de contre-pouvoir contre ce président, déchaîné", déplore l'ancienne conseillère.