"Les grands problèmes du monde et la magie possible de la concertation risquent d'être fortement marginalisés" lors de ce G7, estime Bertrand Badie. 2:30
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Margaux Lannuzel
Invité d'Europe 1, Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po, estime que le sommet organisé cette année en France se tiendra dans une conjoncture "vraiment défavorable". 
INTERVIEW

"N'attendez rien" du G7. Tel est le message de Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po. Invité d'Europe 1 jeudi à deux jours de l'ouverture du sommet, le spécialiste des relations internationales a détaillé le contexte complexe dans lequel il se tient. 

"Chacun va parler à ses électeurs"

Le G7 "n'est pas une instance de négociation, c'est une instance de concertation", rappelle d'abord Bertrand Badie. "On confronte ses points de vue, et on essaie de trouver des convergences. Mais cela implique deux choses : de le vouloir, et de le pouvoir". Citant le Brexit, la crise politique italienne et les positions unilatérales du président américain Donald Trump, le spécialiste décrit cette année une conjoncture "vraiment défavorable". "Dans la longue histoire du G7, qui a été créé en 1975, on est plutôt dans les basses eaux."

"Dans cette situation, le 'vouloir' est très sérieusement remis en cause, parce que la volonté d'affichage l'emporte sur la volonté de se concerter", explique d'abord Bertrand Badie. "En gros, chacun va parler à ses électeurs. C'est absolument évident avec monsieur Trump, ça a toujours été son truc, cette diplomatie électorale. Mais c'est vrai aussi des autres, parce qu'ils sont presque tous confrontés à des problèmes de politique intérieure. Là-dedans, les grands problèmes du monde et la magie possible de la concertation, risquent d'être fortement marginalisés."

"Sept vieilles puissances de l'ancien monde"

Quid du "pouvoir "? "On a sept vieilles puissances, qui relèvent de l'ancien monde, face à la mondialisation dont les acteurs principaux sont les émergents absents", note le professeur à Sciences Po. "Faire sans eux semble un peu difficile", poursuit-il, pointant aussi les divergences entre les membres historiques. "Si l'Europe faisait bloc, ça se saurait. (…) Même le couple franco-allemand a du plomb dans l'aile."

Cette situation de division n'est pourtant pas inédite, souligne Bertrand Badie, citant l'exemple du G7 de Montebello, au Canada, en 1982, après l'accession au pouvoir de François Mitterrand en France et des ultra-libéraux Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. "Ça a été une scission très forte (…). Mais, malgré tout, il y avait un minimum de connivence parce que nous étions dans le contexte de la Guerre froide, en tous les cas de la bipolarité : toutes ces puissances autour de la table étaient occidentales et on voulait faire front sur le plan politique. Aujourd'hui, on ne veut faire front absolument sur rien."

Un "affichage vertueux" en matière d'inégalités

Dans ce contexte, Bertrand Badie estime cependant qu'il faut "rendre hommage à la diplomatie française", qui a choisi la "lutte contre les inégalités" comme point central du sommet. "C'est pédagogique, et cette pédagogie, je la trouve bonne, d'expliquer que ce dossier est le dossier numéro un, beaucoup plus que le dossier coréen, que l'Iran, etc.", juge-t-il. "Il ne se décidera rien en matière de réduction des inégalités mondiales. Mais c'est un affichage vertueux."