Si d'innombrables questions demeurent toujours sans réponse après la prise au pouvoir de la junte militaire au Niger le 26 juillet dernier, cette injonction ne souffrait d'aucune ambiguïté. En sommant l'ambassadeur de France de plier bagages et de quitter le territoire dans un délai de 48 heures vendredi soir, les militaires nigériens officialisaient leur souhait de réduire à peau de chagrin leur relation diplomatique avec Paris.
Officiellement, il s'agissait, entre autres, de sanctionner des "agissements du gouvernement français contraires aux intérêts du Niger". Une formulation bien évasive qui peine à masquer le réel objectif poursuivi par le régime militaire, à savoir mettre la pression sur la diplomatie française qui refuse toujours de reconnaître la légitimité du nouveau pouvoir en place et continue d'appeler au retour dans ses fonctions du président Mohamed Bazoum.
"Je ne pense pas que les militaires souhaitent engager une épreuve de force"
Et ce lundi, alors que l'ultimatum a expiré depuis dimanche soir, l'ambassadeur Sylvain Itté se trouve toujours en territoire nigérien. Dans la matinée, au cours de son traditionnel discours aux ambassadeurs, le président Emmanuel Macron a défendu son maintien en poste et fait suite aux déclarations du ministère français des Affaires étrangères qui, dès vendredi soir, assurait que "les putschistes [n'avaient] pas autorité" pour demander le départ de Sylvain Itté. De quoi soulever des questions autour de l'avenir à court-terme de ce dernier.
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Et notamment le sort qui pourrait lui être réservé, au regard du camouflet que représente la fermeté française pour le régime nigérien. Mais selon Gérard Vespierre, analyste géopolitique et fondateur du média web "Le Monde Décrypté", il est peu probable d'imaginer les militaires exercer des sévices d'ampleur à l'encontre du représentant français. "Nous ne sommes pas dans la situation de l'ambassade américaine à Téhéran", dit-il auprès d'Europe 1, faisant référence à ces prises d'otage de diplomates américains ayant suivi la révolution iranienne de 1979. "Il y a le GIGN sur place, l'armée française aussi. Je ne pense pas que les militaires souhaitent engager une épreuve de force. Cela donnerait une mauvaise image d'eux à l'international", rappelle le spécialiste, résumant ainsi sa pensée : "Ils n'ont pas les muscles pour affronter le monde entier".
L'ambassade privée de nourriture et d'électricité ?
"S'il devait y avoir une atteinte à l'intégrité physique de l'ambassadeur, cela entraînerait automatiquement une réaction de la France", appuie Caroline Roussy, directrice de l'observatoire Sahel, réalisé par l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Niamey marche donc sur des œufs. "Je pense qu'il y aura un 'dont acte' de la part de la junte, car elle ne peut pas expulser l'ambassadeur manu militari. Cela amènerait les forces de sécurité françaises à intervenir et ce n'est pas ce qu'elle cherche", insiste Gérard Vespierre. Pour autant, le bras de fer engagé avec Paris n'est pas près de faiblir et les négociations, pour trouver une issue à cette impasse politique, s'annoncent âpres.
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À en croire Gérard Vespierre, le quotidien de l'ambassadeur Sylvain Itté pourrait ne pas connaître de changements significatifs... à quelques détails près. "Ils (les putschistes) peuvent l'embêter sur les communications, les lignes téléphoniques. Il peut y avoir quelques chicaneries de ce genre", avance-t-il. Caroline Roussy confirme : "J'ai pu voir qu'ils avaient pris des mesures pour que l'ambassade n'ait plus d'électricité et qu'elle ne soit plus acheminée en nourriture", rapporte-t-elle. Des entraves que Paris devrait parvenir à contourner, rassure Gérard Vespierre.