Un tournant dans la guerre en Ukraine ? Samedi matin, Evguéni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner, a affirmé avoir pris le contrôle des sites militaires de Rostov, ville-clé pour la Russie et quartier général de l'armée russe. En milieu de journée, les mercenaires à l'origine de cette rébellion armée se rapprochaient de Moscou et l'armée russe affirmait mener des actions de "combat" dans la région de Voronej, à 500 kilomètres du sud de la capitale. Vladimir Poutine s'est également exprimé, qualifiant de "traitres" les membres du groupe Wagner et s'opposant à la "menace mortelle" et au risque de "guerre civile", selon lui "provoqués par les ambitions démesurées et les intérêts personnels" d'Evguéni Prigojine.
Evguéni Prigojine "a joué le tout pour le tout en attaquant Rostov"
Mais pour Alain Bauer, professeur au Conservatoire national des arts et métiers et responsable du pôle sécurité, défense, renseignement, le président russe a lui-même créé ce "golem" qui le dépasse. "Dès qu'on crée un individu de toutes pièces, marqué plutôt par sa carrière criminelle et sa volonté de pouvoir, il y a un moment où il tente de se rebeller", analyse-t-il au micro d'Europe 1.
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Selon lui, si Evguéni Prigojine se rebelle, c'est "parce qu'il savait que ses jours étaient comptés. Il s'agit, d'après ce qu'on me dit du côté de Moscou, que se préparait une opération visant à le démettre d'une partie de ses responsabilités, en tout cas en Russie, et de le renvoyer uniquement sur des opérations africaines. Sentant ce moment de disgrâce venue, il a joué le tout pour le tout en attaquant Rostov", avance le professeur au Conservatoire national des arts et métiers.
"Une opération extraordinairement bien montée"
Une ville-clé qui n'a pas été choisie par hasard. Outre le fait que Rostov abrite le quartier général des opérations en Ukraine, l'objectif de Evguéni Prigojine est de "décapiter le pouvoir militaire russe", selon Alain Bauer. "Il pensait que le chef d'état-major et le ministre de la Défense russe y était. C'était donc une opération extraordinairement bien montée."
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"Quand on n'a pas d'opposition extérieure dans un pouvoir autoritaire, (l'opposition) est à l'intérieur et elle se fait entre (celui qui va être) plus méchant, plus dur, plus violent, plus brutal que l'autre. C'est un concours qui ne se fait pas entre des résistants et un pouvoir autoritaire, mais entre un pouvoir autoritaire et son aile la plus dure", ajoute le professeur au Conservatoire national des arts et métiers. En outre, il considère que "c'est une guerre à l'intérieur du système" russe. "On est dans un processus de règlements de comptes internes au sommet", conclut-il.