Joe Biden a reconnu samedi le génocide arménien, devenant le premier président des Etats-Unis à qualifier ainsi la mort d'un million et demi d'Arméniens massacrés par l'Empire ottoman en 1915, suscitant la colère de la Turquie. Son homologue turc Recep Tayyip Erdogan a immédiatement réagi en dénonçant "la politisation par des tiers" de ce débat, dans un message adressé au patriarche arménien à Istanbul. Le ministre turc des Affaires étrangères a convoqué samedi l'ambassadeur américain pour protester, a rapporté l'agence de presse d'Etat Anadolu.
"Nous affirmons l'histoire"
La Turquie n'a "de leçons à recevoir de personne sur son histoire", avait-il auparavant déclaré. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a de son côté salué une "mesure très forte envers la justice et la vérité historique" dans un message sur Facebook. Le génocide arménien est reconnu par plus de vingt pays et par de nombreux historiens mais il est vigoureusement contesté par la Turquie. "Les Américains honorent tous les Arméniens ayant péri dans le génocide qui a commencé il y a 106 ans aujourd'hui", a écrit Joe Biden dans un communiqué.
"Nous affirmons l'histoire. Nous ne faisons pas cela pour accabler quiconque mais pour nous assurer que ce qui s'est passé ne se répètera jamais", a-t-il ajouté. Le président démocrate, qui avait promis pendant sa campagne électorale de prendre l'initiative sur ce dossier, a informé vendredi de sa décision son homologue turc dans une conversation téléphonique. Les deux dirigeants sont convenus de se rencontrer en juin en marge du sommet de l'Otan à Bruxelles.
"Nous continuons de considérer la Turquie comme un allié crucial au sein de l'Otan"
Au téléphone avec le chef de l'Etat turc, le locataire de la Maison Blanche a exprimé sa volonté de bâtir une "relation bilatérale constructive", selon le bref compte-rendu américain qui évoque la nécessité d'une "gestion efficace des désaccords". Il s'agit d'"honorer les victimes, pas d'accabler qui que ce soit", a insisté une responsable américaine, sous couvert de l'anonymat. "Nous continuons de considérer la Turquie comme un allié crucial au sein de l'Otan", a-t-elle ajouté.
Sans citer explicitement les Etats-Unis, le président turc avait dès jeudi adressé une mise en garde à peine voilée à Washington. Au cours d'une réunion avec des conseillers, il a prévenu qu'il continuerait à "défendre la vérité contre ceux qui soutiennent le mensonge du soi-disant 'génocide arménien' (...) à des fins politiques". Malgré des années de pressions de la communauté arménienne aux Etats-Unis, aucun président américain ne s'était jusqu'ici risqué à fâcher Ankara.
Donald Trump avait refusé d'utiliser le terme "génocide"
Le Congrès américain a reconnu le génocide arménien en décembre 2019 à l'occasion d'un vote symbolique, mais Donald Trump, qui entretenait d'assez bonnes relations avec Recep Tayyip Erdogan, avait refusé d'utiliser ce mot, parlant seulement d'"une des pires atrocités de masse du XXe siècle". Les Arméniens estiment qu'un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie. Ils commémorent ce génocide chaque année le 24 avril.
La Turquie, issue du démantèlement de l'empire en 1920, reconnaît des massacres mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d'une famine, dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.