Au Burkina Faso, tous les présidents depuis l'indépendance ont été débarqués violemment. L'icône nationale, le capitaine Thomas Sankara, a fait deux putschs successifs et a succombé au troisième. Jusqu'à preuve du contraire, la France de François Mitterrand n'y était pour rien. Mais c'est l'exception qui confirme la règle.
Autrefois, la France jouait avec les gouvernements locaux comme on joue avec des cubes. Et puis, elle a perdu la main, l'envie et le savoir faire.
Au Mali, par deux fois en un an, les militaires ont fait un putsch et ils ont mis les milliers de soldats français qui bivouaquent sur place devant le fait accompli. Et ils continuent d'ailleurs, ces putschistes, à défier la France en la faisant huer dans les manifestations et en appelant à la rescousse des mercenaires russes.
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Le scénario malien se répète-t-il au Burkina Faso ?
Est-ce que c'est cette même chose qui s'est passé au Burkina ? Depuis des mois, les Burkinabés protestent contre l'incurie de leurs dirigeants. L'Etat ne contrôle plus qu'un tiers du pays. Les terroristes ont vidé le reste. 2.000 morts ont provoqué la fuite éperdue d'un million et demi d'habitants, comme au Mali. Une armée qui a perdu toutes ses batailles le reproche au gouvernement civil et justifie ainsi de le renverser. La foule qui cherche un sauveur l'applaudit. Chacun voyait venir le putsch.
Au début janvier, une première tentative a été déjouée. Dimanche, la troupe s'est mutinée et lundi, les officiers ont débarqué le président élu et toute la classe politique, sans demander son avis. Alors que les forces spéciales françaises sont basées à l'aéroport, alors que le chef des putschistes a fait l'école de guerre à Paris et un troisième cycle en criminologie à la Sorbonne. Autrefois, ça aurait signé le crime. Et bien, ce n'est plus le cas.
Quel rôle peut encore jouer la France?
Ce coup d'Etat embarrasse la France, car il la met en porte à faux. Mais pourquoi la France est elle embarrassée si elle n'y est pour rien ? Parce que ça montre l'étendue de son échec. D'abord, la multiplication des coups d'Etat au Sahel enterre tous les discours sur la bonne gouvernance et l'État de droit qu'on répète comme des perroquets depuis Mitterrand. Putsch au Mali, putsch au Burkina. Contre les putschistes maliens, Paris avait tendu un cordon sanitaire. Les frontières sont bouclées. L'Union africaine et l'organisation régionale, la CEDEAO, ont pris des sanctions. Bien, ça n'a pas dissuadé leurs camarades du Burkina d'en faire autant.
La désillusion est totale
Dans ce contexte, on ne peut rien construire au Sahel. La France est embourbée. Elle n'a pas empêché la contagion du djihad, la contagion du putsch. Son aide n'a pas consolidé des États fragiles. C'est même le contraire. C'est une désillusion totale, surtout quand on se souvient de François Hollande, euphorique à Tombouctou, libérée des djihadistes. Le plus beau jour de sa vie, disait il. Neuf ans après, le drapeau tricolore est brûlé à Bamako. Souvenez vous aussi d'Emmanuel Macron, euphorique, dialoguant en bras de chemise avec les étudiants de Ouagadougou. Et quand le président Kaboré se glisse dehors, le président français rigole en demandant s'il va réparer la clim.
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Quatre ans après, les convois militaires français sont caillassé au Burkina et le président Kaboré a tout son temps désormais pour régler l'air conditionné. Les présidents français n'auraient pas dû jubiler comme en terrain conquis à Tombouctou et à Ouagadougou. Ils auraient mieux fait tout de suite de chercher les issues de secours. Ça veut dire quoi? C'est un déclassement français en Afrique, où c'est un manque de lucidité. Pensez vous? C'est dire que le monde a entièrement changé, qu'il faut enterrer la Françafrique. Elle est bien morte et enterrée.