Le Chili est "en guerre", a affirmé dimanche le président Sebastian Piñera, dont le pays est secoué depuis trois jours par des émeutes et des pillages qui ont fait sept morts, la pire explosion sociale depuis des décennies.
Pour la deuxième nuit consécutive, une mesure de couvre-feu a été décrétée à Santiago entre 19 heures et 6 heures. L'état d'urgence est également en vigueur dans plusieurs régions, dont celle la capitale de 7 millions d'habitants. Il a été étendu dimanche soir à plusieurs grandes villes du sud et du nord du pays. "Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, implacable, qui ne respecte rien ni personne et qui est prêt à faire usage de la violence et de la délinquance sans aucune limite", a déclaré le président Piñera à la presse.
Le général Javier Iturriaga, chargé vendredi de la sécurité publique par le chef de l'Etat, a de son côté appelé les habitants à rester "calmes" et à ne pas sortir de chez eux. Les émeutes se sont poursuivies dimanche. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers dans l'après-midi dans le centre de Santiago, tandis que des pillages se déroulaient dans plusieurs endroits de la capitale. Cinq personnes ont ainsi péri dans l'incendie d'une usine de vêtements en proie à des pillages.
Au #Chili, les militaires tirent dans les rues ! Retrouvons nous nombreux demain devant l'Ambassade (M° Latour Maubourg) à 18h30 à Paris pour exprimer notre solidarité. L'armée doit retourner dans les casernes !! pic.twitter.com/qd1bDzB41a
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) October 20, 2019
Deux personnes étaient déjà mortes dans la nuit de samedi à dimanche dans l'incendie d'un supermarché également pillé par des manifestants dans le sud de la capitale et une troisième avait été blessée, le corps brûlé "à 75%", selon les autorités. Près de 10.000 policiers et soldats ont été déployés. Les patrouilles de militaires dans les rues sont une première dans le pays depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Un pays en proie aux inégalités
Selon les autorités, 1.462 personnes ont été arrêtées, dont 644 dans la capitale et 848 dans le reste du pays. Les manifestations ont débuté vendredi pour protester contre une hausse - de 800 à 830 pesos (environ 1,04 euro) - du prix des tickets de métro à Santiago, réseau le plus étendu (140 kilomètres) d'Amérique du Sud qui transporte quotidiennement environ trois millions de passagers.
Sebastian Piñera a suspendu la hausse samedi, mais les manifestations et les violences se sont poursuivies, nourries par la colère face aux conditions socio-économiques et aux inégalités dans ce pays où l'accès à la santé et à l'éducation relèvent presque uniquement du secteur privé.
Des dizaines de supermarchés, de véhicules et de stations-service ont été saccagés ou incendiés. Les bus et les stations de métro ont été particulièrement ciblés. Selon le gouvernement, 78 stations de métro ont subi des dommages, dont certaines ont été totalement détruites. Ces dégâts dans le métro sont évalués à plus de 300 millions de dollars et un retour à la normale sur certaines lignes pourrait prendre "des mois", a indiqué dimanche le président de la compagnie nationale de transports publics, Louis de Grange.
"De l'extérieur, on ne pouvait voir que les réussites du Chili, mais à l'intérieur, il y a des niveaux élevés de fragmentation, de ségrégation (...) La jeunesse en a eu marre et elle est sortie dans la rue pour montrer sa colère et sa déception", a expliqué à l'AFP Lucia Dammert, professeure à l'Université de Santiago du Chili.