Engagement politique ou marketing déplacé ? L'ONG SOS Méditerranée a condamné mardi sur son compte Twitter l'utilisation à des fins publicitaires d'une photo des migrants secourus par l'Aquarius vêtus de gilets de sauvetage par la marque de vêtements italienne Benetton. "SOS Méditerranée se dissocie entièrement de cette campagne montrant une photographie prise alors que nos équipes portaient secours à des personnes en détresse en mer lors d'une opération menée le 9 juin", écrit l'ONG, qui a porté secours à 630 migrants au large de la Libye.
INFORMATION sur l'usage des images de SOS MEDITERRANEE. pic.twitter.com/E5gUuKpbVx
— SOS MEDITERRANEE France (@SOSMedFrance) 19 juin 2018
"Initiative personnelle du photographe". Le cliché pris par le photographe Kenny Karpov lors de l'opération de sauvetage montre des migrants sur un canoë vêtus de gilets de sauvetage rouges avec, en bas de la photo, la marque "United colors of Benetton". "La dignité des survivants doit être respectée en toutes circonstances. La tragédie humaine qui se déroule en Méditerranée ne doit jamais être utilisée à des fins commerciales", dénonce SOS Méditerranée, qui "condamne l'initiative personnelle du photographe" qui a fourni la photo postée par la marque sur son compte Twitter. "SOS Méditerranée ne donne jamais son accord pour une utilisation à des fins commerciales de ses photographies", insiste l'ONG.
Photo by Kenny Karpov / SOS MEDITERRANEE pic.twitter.com/vvPxqmLtDq
— Benetton (@benetton) 18 juin 2018
Une deuxième photo issue de la campagne publicitaire de Benetton, prise cette fois par Orietta Scardino, montre des femmes et des nourrissons sur la terre ferme, attendant d'être aiguillés par une bénévole de la Croix-Rouge :
Photo by Orietta Scardino / ANSA pic.twitter.com/guFAq0976l
— Benetton (@benetton) 17 juin 2018
Polémique en Italie. Benetton s'est notamment offert une double page dans les journaux italiens La Repubblica et Corriere della Sera, pour diffuser les deux photos, accompagnées de son logo et sans aucun commentaire. Comme le rapporte le Huffington Post, la griffe fait depuis l'objet d'une polémique en Italie. Des voix se sont élevées pour accuser la marque d'utiliser le sort des migrants à des fins marketings, quand d'autres critiquent le message de solidarité caché derrière ces images. Le ministre de l'Intérieur italien d'extrême droite, Matteo Salvini, a lui-même réagi en parlant d'une publicité "minable", sur Twitter.
Le concepteur de la campagne publicitaire Oliviero Toscani a répondu au ministre : "Ce n'est pas minable mais dramatique. Et malheureusement nous sommes nombreux à ne pas comprendre ce qui se passe. Alors le fait qu'un négationniste comme vous critique cette action me fait réaliser que j'ai raison."
Vedi @matteosalvinimi, non è squallido, ma drammatico. E purtroppo siete in tanti a non capire ciò che sta succedendo. Poi il fatto che un negazionista come te critichi questa azione, mi fa capire che ho ragione.
— oliviero toscani (@OToscani) 19 juin 2018
Un message politique, selon le publicitaire. Dans une interview à La Tribuna di Treviso, Oliviero Toscani explique le message politique qu'il voulait transmettre via cette campagne publicitaire : "Je ne suis pas un vendeur, je ne veux pas faire de publicité, je veux être témoin de mon temps." D'ailleurs, certains commentaires saluent l'audace de Benetton, qui "fait passer l'humanité avant tout", affirme par exemple un internaute. Pour l'heure, cette campagne publicitaire n'a pas été diffusée en France.
Publicités chocs. Le groupe italien d'habillement Benetton, qui a terminé 2017 avec la perte plus importante de son histoire (180 millions d'euros), est un habitué des publicités chocs. Les campagnes du photographe Oliviero Toscani montrant un malade du sida agonisant, une femme noire donnant le sein à un enfant blanc, des sexes en gros plan ou une religieuse à cornette embrassant un jeune prêtre avaient marqué les années 1990. Renouant avec la provocation, le groupe avait encore choqué fin 2011 avec des photomontages montrant les grands de ce monde s'embrassant sur la bouche, dont le pape et un imam.