Les évacuations de civils étrangers au Soudan ont débuté samedi pendant que les combats meurtriers entre l'armée régulière et les paramilitaires se sont poursuivis, entrant dans leur deuxième semaine après une brève accalmie. Si la nuit a été relativement calme à Khartoum privée en grande partie d'électricité et d'eau courante, de fortes explosions ont secoué la capitale dans la journée et des échanges de tirs ont été entendus dans différents quartiers, selon des témoignages rapportés à l'AFP.
La première grande opération d'évacuation de civils depuis le début des combats a été annoncée samedi par l'Arabie saoudite qui a rapatrié ses citoyens et des ressortissants d'autres pays. "Cinquante citoyens saoudiens et d'autres ressortissants évacués du Soudan" sont arrivés à Jeddah, ville portuaire au bord de la mer Rouge, a indiqué la chaîne de télévision d'Etat saoudienne Al-Ekhbariyah. Plus tôt, l'armée soudanaise avait fait état du départ de "diplomates saoudiens par voie terrestre vers Port-Soudan". Cent huit autres personnes originaires de onze pays devraient arriver plus tard dans la journée à bord de quatre autres navires qui doivent accoster à Jeddah, a ajouté la chaîne saoudienne.
Evacuations d'Occidentaux
De son côté, l'armée soudanaise a annoncé que "les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Chine évacueraient leurs diplomates et leurs ressortissants avec leurs avions militaires". Depuis plusieurs jours, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont déployé des forces dans les pays voisins, et l'Union européenne envisage de prendre de mesures similaires en vue d'évacuer leurs diplomates et ressortissants du Soudan.
Les violences y ont éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires redoutés. Vendredi, l'armée a annoncé avoir "accepté un cessez-le-feu de trois jours" pour l'Aïd al-Fitr, qui marque la fin du mois sacré du jeûne musulman. Auparavant, l'ONU, les Etats-Unis et d'autres pays avaient appelé à l'arrêt des combats. Mais une nouvelle fois, l'armée et les FSR et l'armée n'ont pas respecté leurs engagements de faire une pause pour permettre aux civils de fuir et aux pays étrangers de rapatrier leurs ressortissants. Le bilan encore très provisoire s'élève à 413 morts et 3.551 blessés, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
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Les FSR du général Daglo ont indiqué être "prêtes à ouvrir tous les aéroports du Soudan" pour évacuer les étrangers. Le général Burhane a lui déclaré samedi que l'armée régulière "contrôlait tous les aéroports à l'exception de ceux de Kartoum et de Nyala", le chef-lieu du Darfour-Sud. Alors que les deux camps se livrent aussi à une bataille de communication, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats depuis le premier jour du conflit. Les deux généraux qui avaient pris le pouvoir lors du coup d'Etat de 2021 sont désormais engagés dans une lutte sans merci. Ils ont été incapables de s'accorder sur l'intégration des paramilitaires du général Daglo aux troupes régulières du général Burhane, après des semaines de négociations politiques sous égide internationale.
"Situation catastrophique"
A Khartoum, ville de cinq millions d'habitants, de nombreux civils se sont aventurés à l'extérieur uniquement pour obtenir des denrées alimentaires d'urgence ou pour fuir la ville. La fin du mois de jeûne du ramadan se fête habituellement "avec des pâtisseries et des cadeaux pour les enfants", mais cette année, ce sont "des coups de feu et l'odeur de la mort", se lamente auprès de l'AFP Sami al-Nour, un habitant de Khartoum. Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, où personne ne peut se rendre dans l'immédiat. Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une "situation catastrophique".
Au Soudan, troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d'habitants souffre de la faim. L'arrêt des opérations de la plupart des humanitaires, après la mort d'au moins quatre d'entre depuis une semaine, va aggraver la situation. Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts. Maintenant que les armes ont parlé, il faut agir rapidement pour éviter une "guerre civile à part entière", prévient l'International Crisis Group (IGC).